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Le Maroc a réalisé des progrès considérables dans la lutte contre la pauvreté au cours de la dernière décennie. Lors d’une conférence organisée sur ce sujet par le Carnegie Middle East Center et l’Institut marocain des relations internationales à Casablanca, Lahcen Achy du Centre Carnegie a comparé l’expérience du Maroc dans la lutte contre la pauvreté à celles de l’Egypte et de la Syrie. Après avoir souligné les principaux facteurs qui ont contribué au succès du Maroc, Achy a évalué les limites de cette expérience puis a conclu par des recommandations de politique économique pour une stratégie durable de réduction de la pauvreté dans les pays arabes.
Les raisons du recul de la pauvreté au Maroc
L’Egypte, la Syrie et le Maroc ont tous enregistré des taux de croissance économiques élevés au cours des dix dernières années, comparé à la décennie précédente. Cependant, le Maroc a été le seul parmi ces trois pays à réduire de manière significative son taux de pauvreté. Achy a évoqué les facteurs qui ont été à l’origine de la performance du Maroc.
- La démographie: Le nombre d’enfants par femme adulte au Maroc est passé de 5,4 enfants par femme en moyenne entre 1980 et 1985; à 2,4 entre 2005 et 2010. Cette baisse a réduit la pression sur les dépenses publiques courantes et a permis de libérer davantage de fonds pour financer les infrastructures. Elle a également conduit à augmenter le PIB par habitant de 3,6% durant la dernière décennie à comparer aux 2,8% et 1,6% en Egypte et en Syrie, respectivement.
- Des recettes fiscales plus importantes: Le Maroc a commencé à réformer son système fiscal durant les années 1980 en rationalisant les exonérations et en renforçant l’administration fiscale. Les revenus fiscaux représentent 24% du PIB contre 15% en Egypte et 11% en Syrie. De plus, les autorités marocaines ont créé un fond dans lequel la moitié des revenus générés par les opérations de privatisation a été canalisée.
- La politique des microcrédits: Les microcrédits octroyés par les associations de microcrédit sont un autre dispositif qui a permis de réduire la pauvreté. Au niveau des pays arabes, le Maroc est en position de leader avec 59% du total des crédits octroyés dans la région comparé à 14% en Egypte et 1% en Syrie.
- Les transferts des émigrés: Les marocains qui travaillent à l’étranger jouent un rôle très important dans la réduction de la pauvreté à travers le transfert d’argent à leurs familles. En moyenne, chaque émigré envoie mensuellement l’équivalent de 100 dollars américains à sa famille. Les transferts des émigrés représentent 8% du PIB au Maroc, 5% en Egypte et moins de 3% en Syrie.
- Le rôle des organisations non-gouvernementales (ONG): Le partenariat des ONG avec l’Etat et les Conseils locaux, pour fournir de l’électricité, de l’eau et conduire des campagnes d’alphabétisation, a renforcé leur position. De plus, un amendement du code des associations en 2002 permet aux ONG marocaines de bénéficier directement des fonds étrangers.
Leçons et options de politiques économiques
Durant la dernière décennie, 1,7 millions de marocains sont sortis de la pauvreté; le défi, aujourd’hui, est d’éviter qu’ils n’y basculent de nouveau. Les décideurs devraient pour cela repenser la stratégie de la réduction de la pauvreté. Bien que la dimension du développement humain soit présente dans les discours politiques, elle devrait se refléter davantage dans les faits. La stratégie du leadership politique devrait se baser sur la résolution de quatre problèmes.
- Le déficit en capital humain: Le recul de la pauvreté n’a pas été accompagné par une amélioration du capital humain. Le Maroc souffre d’un taux d’analphabétisme plus élevé comparé à ceux de l’Egypte et de la Syrie : 45% d’analphabètes contre 34% en Egypte et 17% en Syrie. Le Maroc accuse aussi un retard au niveau de la scolarisation des enfants. Achy estime que l’éradication de l’analphabétisme doit devenir une priorité nationale. Le gouvernement doit également octroyer des incitations aux familles pauvres pour les soutenir à scolariser leurs enfants.
- Les inégalités de revenus: Le Maroc a réussit à réduire la pauvreté durant la dernière décennie. Cependant, le niveau des inégalités persiste. Achy recommande aux décideurs de renforcer les politiques de redistribution des revenus afin de réduire les inégalités entre les individus et les régions.
- La précarité des emplois créés: L’économie informelle et les activités à faible valeur ajoutée ont largement contribué à la création d’emplois au Maroc au cours de la dernière décennie. Ces emplois sont vulnérables et ne bénéficie d’aucune protection sociale. Selon Achy, les décideurs doivent envisager des mécanismes incitatifs destinés aux entrepreneurs informels pour qu’ils rejoignent l’économie formelle. Il est important d’amender les dispositions qui entravent les micro-entreprises en simplifiant les procédures d’immatriculation et en réduisant les coûts sociaux et fiscaux de la formalité.
- Le renforcement du contrôle gouvernemental sur les ONG: La contribution des ONG au développement local a perdu de sa dynamique au cours des dernières années en raison du renforcement du contrôle gouvernemental. Bien que la réforme du code des associations soit positive, son impact demeure limité. Il y a souvent un fossé entre les dispositions légales et les faits. Pour remédier à cette situation, Achy appelle à ce que plus d’espace et de libertés soient offerts aux associations. Le renforcement des capacités des ONG les rend plus efficaces au niveau du plaidoyer et de la prestation de services et fournit aux conseils locaux un véritable partenaire de développement.