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IMGXYZ3053IMGZYXAu Moyen-Orient et en Afrique du Nord (MOAN), les deux-tiers de la population ont moins de 18 ans. Les récents bouleversements politiques dans le monde arabe ont placé ces jeunes à l'avant-garde du débat politique et économique. Ils souffrent notamment de taux de chômage élevés, qui frôlent 30%, plaçant la région MOAN parmi les plus désavantagées du monde en termes de chômage des jeunes. La jeunesse arabe souffre également d’une forte croissance démographique et d’un faible niveau d'éducation.
Le chômage des jeunes résulte d’un certain nombre de graves problèmes économiques, politiques et sociaux, dont l'absence de stratégies saines de développement, un climat des affaires défavorable, la mauvaise gouvernance, le manque de transparence et de responsabilisation et la corruption généralisée. Le Carnegie Middle East Center a accueilli des experts d'Algérie, d’Egypte, de Jordanie, du Liban, du Maroc, de Syrie, de la Tunisie et du Yémen pour discuter des questions reliées au chômage des jeunes. Lahcen Achy, l’économiste de Carnegie, a ouvert le débat.
A l’origine du chômage des jeunes
- Les facteurs démographiques : tous les experts s'accordent sur le fait que les pays de la région MOAN a connu une forte croissance démographique au cours des dernières décennies, conduisant à ce qui est aujourd'hui considéré comme un « boom de la jeunesse ». Comme une partie importante de la population dans tous les pays du MOAN a moins de 35 ans, les jeunes constituent la majorité de la population active. Cette portion importante de la population, en particulier ceux âgés de 15 à 29 ans, exerce une pression considérable sur le marché du travail, a souligné M. Achy.
- Faible croissance économique et faible diversification de l'économie : la croissance économique dans la région ne peut pas absorber le flux de demandeurs d'emploi entrant sur le marché du travail. En outre, les investissements privés affluent principalement vers les secteurs informels qui créent peu d'emplois ou des emplois médiocres, en particulier les petites industries de détail, selon Ibrahim Awad, de l'Université américaine du Caire (AUC).
- Un système éducatif inadapté : les diplômés des universités ont du mal à trouver un emploi, sans même chercher des emplois qui correspondent à leurs qualifications et leurs attentes, remarque Hana El-Ghali, de l'Institut d'études internationales sur l’éducation à l'Université de Pittsburgh. En fin de compte, le système éducatif ne s'adapte pas au marché du travail, a déclaré Nacer Eddine Hammouda, du Centre algérien de recherches (CREAD), laissant aux diplômés une formation qui ne répond pas aux besoins des employeurs potentiels.
- Les facteurs institutionnels : les institutions publiques et politiques ne sont pas suffisamment efficaces pour faire face aux réformes du marché du travail, ni en mesure de mettre en œuvre les stratégies macro-économiques nécessaires pour assurer une croissance à long terme, selon Nader Kabbani, du Syria Trust for Development. Cette gouvernance défaillante empêche la création d'emplois en décourageant les investisseurs potentiels et en encourageant la croissance du secteur informel.
Des risques croissants pour les sociétés arabes
Les panélistes s’accordent sur le fait que la persistance de niveaux élevés de chômage parmi les jeunes dans toute la région engendre un certain nombre de risques démographiques, sociaux, éducatifs, économiques et politiques.
- Augmentation de la pauvreté : lorsque les populations jeunes avanceront en âge, le « boom des jeunes générations » risque de se transformer en une « explosion » de la population du troisième âge. Le manque de finances personnelles, étant donné les faibles taux d'emploi, combiné à l'inefficacité des filets de sécurité, des pensions de retraite et des avantages sociaux pourrait laisser toute une génération embourbée dans la pauvreté, a averti Ibrahim Saif, du Conseil Social Jordanien. Et d’ajouter que, comme la croissance démographique se poursuit, le chômage a un effet multiplicateur sur la pauvreté.
- Une éducation en perte de valeur : M. Achy et Mongi Boughzala, professeur d'économie à l'Université El Manar de Tunis, ont souligné que le chômage de longue durée contribue à une dépréciation de la valeur de l'enseignement supérieur. Le diplôme acquis par un diplômé sans emploi deviendra progressivement obsolète. En outre, le faible rendement de l'éducation motive peu les familles à investir dans l'enseignement supérieur pour leurs enfants. Finalement, ces effets de dissuasion ne peuvent que nuire au développement du capital humain dans la région.
- Affaiblissement des structures sociales et culturelles : Justin Sykes a indiqué que le chômage des jeunes sape les mœurs sociales et culturelles. Les jeunes incapables de trouver un emploi sont beaucoup moins susceptibles de fonder une famille ou d’acheter une maison.
- Troubles sociaux et instabilité politique : la frustration sociale à long terme et la désillusion résultant du chômage peuvent donner lieu à un sentiment de marginalisation et d'exclusion, tant au niveau individuel qu'au niveau collectif, a déclaré M. Achy. Cela conduit à des attitudes extrêmes au niveau individuel, voire à un sens collectif d’exclusion des générations et de ressentiment. Les récents suicides par immolation en Tunisie, en Algérie, en Égypte, au Yémen et dans d’autres pays de la région illustrent ce phénomène.
Quelles réponses politiques ?
Des réformes politiques fondamentales doivent être mises en œuvre en vue de résoudre le problème du chômage des jeunes dans la région. De telles réformes devraient inclure:
- Des réformes institutionnelles : M. Achy a souligné que, pour renforcer l'efficacité des politiques publiques en vue de réduire le chômage, des réformes institutionnelles sont nécessaires pour promouvoir la primauté du droit et la mise en œuvre de mesures anti-corruption.
- Le renforcement du système judiciaire : M. Awad a souligné la nécessité de renforcer le pouvoir judiciaire, de sorte qu'il puisse servir de moyen de défense des droits des jeunes dont le chômage résulte de la discrimination. La discrimination sexuelle, en particulier, demeure un problème grave dans la région.
- Stimuler la création d'entreprises : les gouvernements devraient utiliser des moyens financiers, fiscaux et réglementaires afin de favoriser la création de petites et moyennes entreprises qui peuvent servir à accroître les opportunités d’emploi. L'accès aux crédits devrait également être élargi. Selon M. Kabbani, une réglementation plus judicieuse sur le marché du travail, avec en particulier pour objectif d’améliorer la flexibilité du travail, permettrait d'améliorer le climat d'investissement. Enfin, les obstacles à l'entrée sur le marché du travail, tel le népotisme, la corruption et le manque de transparence du marché du travail, devraient être supprimés et la concurrence libre et équitable doit être garantie, selon M. Saif.
- Les partenariats public-privé (PPP) : les PPP peuvent apporter une solution partielle à la nécessité de fusionner le rôle de création d'emplois dans le secteur public avec l'expertise, la souplesse et la connaissance du marché du travail du secteur privé. M. Boughzala et M. Kabbani ont indiqué que les PPP peuvent constituer des alternatives viables aux incapacités du secteur public, telles que la nécessité de surveiller le marché du travail et de gérer l'afflux de fonds provenant de l'aide internationale.
- La réforme de l'éducation : la plupart des pays de la région, à l'exception notable du Yémen, ont atteint des niveaux satisfaisants d’éducation parmi les jeunes, a souligné Ibrahim Saif. Un bon nombre d'étudiants obtiennent des diplômes. Toutefois, les décideurs politiques doivent mettre l'accent sur la qualité de l'éducation afin de s'assurer que les compétences enseignées correspondent aux besoins du marché du travail, a déclaré M. Achy. Les diplômes universitaires devraient être plus orientés vers la création d'emplois et des secteurs de l'économie enclins à la croissance, comme la construction, l'innovation et les nouvelles technologies, conclut M. Kabbani.
- Définir une stratégie macro-économique claire à long terme : Le chômage des jeunes est une préoccupation d’ordre structurel qui nécessite des solutions à long terme. Selon Ibrahim Awad, les gouvernements de la région doivent formuler des stratégies claires à long terme pour une série de secteurs créateurs d'emplois, qui peuvent être mises en œuvre en partenariat avec et en soutien du secteur privé. À cet égard, M. Awad a abordé la nécessité d'une vision macro-économique alimentée par l'Etat en vue d’engager les investissements et le développement dans des secteurs spécifiques.