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Déficit des Echanges Extérieurs du Maroc : Quel Diagnostic et Quelles Politiques?

10 octobre 2012
Rabat

Le déficit du commerce extérieur du Maroc s'est beaucoup aggravé au cours des dernières années. La valeur des importations représente l’équivalent du double de celle des exportations. Le déficit commercial a atteint aujourd'hui 23 pour cent du PIB, un niveau sans précédent dans l'histoire récente du Maroc. Mohamed Benayad du Conseil National du Commerce Extérieur, Ouljour Houssine de l’Office des Changes et Touhami Abdelkhalek de l'Institut National de la Statistique et d’Economie Appliquée ont rejoint Lahcen Achy du Centre Carnegie du Moyen Orient (Carnegie Middle East Center) à Rabat pour examiner les facteurs sous-jacents au déficit commercial du Maroc et définir les options de politique économique que les décideurs devraient mettre en œuvre dans le court et moyen termes.

Déficit du commerce extérieur: une tendance inquiétante et insoutenable

  • Une tendance alarmante: Benayad, Ouljour et Abdelkhalek ont convenu que le déficit du commerce extérieur au Maroc s’est inscrit dans une tendance alarmante. L'écart entre les importations et les exportations de marchandises se cesse de se creuser. Le solde des échanges de services et les transferts d'argent qui effectuent les Marocains résidant à l'étranger qui, pendant des années, ont contribué à éponger le déficit commercial, ne suffisent plus.
     
  • Détérioration des réserves de change: Le compte courant a enregistré un déficit de huit pour cent par rapport au PIB en 2011 et devrait encore se détériorer davantage d'ici la fin de l'année 2012. "Les réserves de change sont en train de s'épuiser et leur niveau ne peut plus couvrir plus de quatre mois d'importations, contre dix il y a cinq ans », a déclaré Achy. La tendance actuelle ne semble pas viable et expose le pays à des risques réels.
     
  • Les répercussions internationales: Ouljour a expliqué qu’au mois d’août, le FMI a ouvert une ligne de crédit «de précaution » d’un montant de 6,2 milliards de dollars dans le but de protéger l'économie du Maroc contre d’éventuels chocs externes. Plus récemment, Standard & Poor’s a baissé les perspectives sur le Maroc de stables à négatives, en invoquant sa vulnérabilité économique et l’augmentation de son déficit budgétaire et du compte courant.
     
  • Chocs externes: Une partie de l’aggravation du déficit commercial est dû à des facteurs qui échappent au contrôle du gouvernement, tels que la flambée des prix du pétrole et des denrées alimentaires sur les marchés internationaux ou encore les perspectives économiques moroses en Europe, le principal partenaire du Maroc, a ajouté Abdelkhalek.

Déficit structurel et échec des politiques

  • Faiblesses internes: Abdelkhalek a expliqué qu’une grande composante du déficit est, toutefois, structurelle. Elle résulte de l'incapacité des produits marocains à faire face à la concurrence des produits étrangers tant à l'échelle nationale que sur les marchés étrangers. Benayad a soutenu que le pays était en train de prendre du retard dans son processus d'industrialisation, avec concentration de la production dans les produits à faible valeur ajoutée et une faible diversification des exportations. Il a ajouté que "le Maroc a ouvert son économie à travers ses engagements dans le cadre de l'OMC et des accords de libre-échange avec l'Europe, les Etats-Unis et la Turquie. Toutefois, le pays n’a pas su profiter des concessions qui lui ont été offertes dans le cadre de ces accords. Une situation qui s’explique pas la modeste productivité de ses entreprises et la faible qualification de sa main d’œuvre ".
     
  • La concurrence mondiale: Avec la montée de la Chine dans le commerce international, de nombreux pays ont été amenés à abandonner les secteurs à forte intensité de main-d'œuvre pour lesquels le principal avantage comparatif provient des bas salaires, selon Achy. Certains pays ont cependant réussi à maintenir la croissance de leurs exportations en s’orientant vers des produits sophistiqués qui font appel à une main-d'œuvre qualifiée et s’appuient sur l’innovation et le progrès technologique. En raison de son capital humain insuffisant et ses investissements modestes dans la recherche et le développement, le Maroc n'a pas pu faire cette conversion.
     
  • Taux de change: Une appréciation régulière du taux de change effectif réel est un facteur qui est venu exacerber davantage la position concurrentielle du Maroc. En effet, la valeur du Dirham marocain est déterminée par rapport à un panier de devise constitué à concurrence de 80 pourcent par la monnaie européenne a expliqué Achy. Or, la plupart des pays en concurrence avec le Maroc sur le marché européen ont connu des dépréciations substantielles de leurs monnaies respectives par rapport à l’Euro.
     
  • Le rôle du gouvernement marocain: Benayad a expliqué que le gouvernement marocain a récemment mis en œuvre des mesures destinées à soutenir la production et à promouvoir les exportations. La plupart des mesures prises restent cependant sectorielles et non coordonnées. Le gouvernement a besoin d'une vision globale et cohérente et d’un arsenal de politiques qui visent à la fois à gérer les contraintes conjoncturelles terme et à jeter les bases d'une stratégie volontariste de développement.
Carnegie does not take institutional positions on public policy issues; the views represented herein are those of the author(s) and do not necessarily reflect the views of Carnegie, its staff, or its trustees.
event speakers

Touhami Abdelkhalek

Lahcen Achy

Former Nonresident Senior Associate, Middle East Center

Achy is an economist with expertise in development, institutional economics, trade, and labor and a focus on the Middle East and North Africa.

Mohamed Benayad

Houssine Ouljour