Depuis la révolution de 2011, la Tunisie a pris plusieurs mesures pour transférer le pouvoir des structures hautement centralisées de la famille Ben Ali au nouveau gouvernement central démocratique puis de l’exécutif au parlement. Aujourd’hui, la Tunisie est confrontée à la tâche cruciale du transfert du pouvoir du niveau national au niveau local. Cette décentralisation du pouvoir a l’avantage de résoudre les problèmes de longue date de disparités régionales considérables dans les secteurs de la santé et de l’éducation ainsi qu’en termes de pauvreté et d’infrastructure.
Ce que la décentralisation offre comme opportunités
- Si elle est bien réalisée, la décentralisation servira à renforcer la capacité des acteurs locaux à décider pour leurs municipalités et leurs régions, ce qui entraînera de réels changements pour leurs électeurs.
- Cela pourrait introduire une nouvelle classe politique généralement en dehors des partis politiques dominants du pays, et offrirait aux femmes et aux jeunes plus de possibilités d’accès à la politique.
- La décentralisation devrait également améliorer la prestation de services au niveau local—alors que leur faible niveau depuis la révolution de 2011 a établi une méfiance entre les citoyens et l’Etat et donné lieu à de faibles recettes fiscales.
- La décentralisation nécessite une forte volonté politique—de la part des responsables au gouvernement, qui doivent accepter de céder une partie de leur pouvoir et faire preuve d’engagement en faveur de la gouvernance participative au niveau local; et de la part des responsables locaux qui doivent établir un rapport de confiance avec leurs électeurs, offrir des opportunités d’engagement citoyen, et empêcher une nouvelle création d’institutions inefficaces au niveau local.
Que faire ?
- Le gouvernement Tunisien peut répondre aux attentes du public en communiquant clairement sur le transfert des pouvoirs administratif et financier.
- Il peut offrir des opportunités de gouvernance participative en dehors de celles prévues par la loi, telles que la création de conseils de citoyens, ou l’organisation régulière d’enquêtes de préférences politiques.
- Le gouvernement national devrait également fournir des ressources financières et humaines suffisantes, notamment en matière de distribution des recettes fiscales au niveau local.
- La société civile doit continuer à surveiller le processus démocratique. Mais elle a surtout un rôle très important à jouer au niveau local pour encourager et ancrer une culture de démocratie participative en sensibilisant le public à la décentralisation.
- Elle peut aider à connecter le public aux mécanismes de gouvernance participative et créer des mécanismes permettant de saisir les préférences des citoyens et les communiquer aux responsables locaux.
- Les bailleurs de fonds internationaux doivent œuvrer à renforcer la capacité des organisations et des réseaux de base au niveau local (et national) pour encourager la gouvernance participative.
- Par ailleurs, les bailleurs de fonds doivent continuer à soutenir les efforts pour les services en ligne du gouvernement, et la numérisation des formulaires et processus d’administration locale vers l’objectif de guichet unique permettant aux citoyens d’avoir accès aux services municipaux et d’en contacter les responsables.
- Les bailleurs de fonds doivent aussi former et équiper les responsables locaux à l’instar des meilleures pratiques dans le monde.
Introduction
Les élections municipales en Tunisie le 6 mai 2018, premières élections locales démocratiques dans l’histoire du pays, constituent une étape importante sur la voie de la pleine consolidation de la transition démocratique. Par leur choix démocratique de 7200 élus locaux qui représenteront 350 municipalités, les Tunisiens exprimeront leur engagement en faveur de la démocratie. Mais ces élections ne sont qu’une partie infime d’un plus vaste programme de décentralisation dont le sort reste incertain. Les élections n’auront aucune signification sans la présence d’un cadre juridique solide pour la décentralisation qui fixe clairement les limites du pouvoir et de la responsabilité aux niveaux national et local. Le processus nécessitera également la volonté politique pour la mise en œuvre de la décentralisation à ces deux niveaux.
Premières élections locales démocratiques dans l’histoire du pays, constituent une étape importante sur la voie de la pleine consolidation de la transition démocratique.
Sur le papier, la Tunisie a bien une gouvernance locale depuis quelques temps, avec des autorités municipales habilitées à prendre des décisions ; quoique généralement administratives. Toutefois, la gouvernance pratiquée depuis l’indépendance de la Tunisie en 1956 a été ‘fictive’ selon Néji Baccouche, chercheur Tunisien.1 En réalité, le système politique était très centralisé sous les deux présidents Habib Bourguiba et Zine el-Abidine Ben Ali, un “choix politique qui répondait au besoin de reconstruire un état uni capable de vaincre un ancien système tribal,” selon Baccouche.2 La plupart des autorités locales étaient désignées par le gouvernement central et rendaient des comptes au redouté Ministre de l’Intérieur.
Les acteurs locaux susceptibles de démontrer la moindre autonomie politique étaient traités de façon sommaire par l’autorité centrale qui avait le pouvoir de remplacer les membres des conseils par leurs propres fonctionnaires soigneusement triés. Le responsable, chargé du processus de décentralisation de l’après-2011 en Tunisie, Mokhtar Hammami, a expliqué en ces termes : “Le principal dilemme auquel nous étions confrontés [au début du processus de décentralisation] était la domination du système central qui ….a transformé [les municipalités] en dépendances et les a dépouillées de leurs pouvoirs. [Cette centralisation] a donné le jour à une bureaucratie coûteuse et a déformé l’image des municipalités.”3 Par ailleurs, les régions et les municipalités étaient le fruit de considérations de sécurité, prévues pour diviser les zones problématiques. La division du territoire “servait à imposer le pouvoir de l’autorité centrale sur l’ensemble du territoire.” Ainsi, “plusieurs [régions] furent créées dans des circonstances exceptionnelles indépendamment des besoins de développement.”4 En outre, “le rôle des municipalités était limité aux services classiques tels que la collecte des déchets et l’urbanisme. Les services essentiels liés aux principaux besoins des citoyens, tels que la santé et l’éducation, échappaient à leur contrôle, ce qui a contribué à affaiblir leur autorité et à engendrer un manque de confiance en cette structure.”5
Le processus de décentralisation de la Tunisie a le potentiel de donner un nouvel élan à la transition démocratique car elle responsabilise les acteurs locaux, améliore les services, introduit une nouvelle énergie et de nouvelles idées dans le processus politique au niveau local, et allège la pression sur le gouvernement central.
Le processus de décentralisation de la Tunisie a le potentiel de donner un nouvel élan à la transition démocratique car elle responsabilise les acteurs locaux, améliore les services, introduit une nouvelle énergie et de nouvelles idées dans le processus politique au niveau local, et allège la pression sur le gouvernement central. Mais le processus doit apporter des changements systémiques à la gouvernance et à l’autorité budgétaire et démontrer des victoires à court terme, en particulier dans les régions traditionnellement défavorisées, à l’intérieur du pays. Le succès de la décentralisation en dépend.
Objectifs et avantages de la décentralisation
On convient que, globalement, la décentralisation a plusieurs effets positifs allant d’améliorer l’efficacité du gouvernement et réduire la corruption, à renforcer la relation entre les citoyens et l’Etat. Les responsables qui sont plus proches des citoyens par leur présence physique et qui vivent parmi eux sont mieux capables d’identifier leurs besoins, contribuant ainsi à rendre les services publics plus efficaces. Il s’agit d’un cercle vertueux dans lequel une meilleure prestation de services plus transparente engendre des taux plus élevés de recouvrement d’impôts, conduisant à leur tour à plus de fonds dans les coffres pour fournir des services encore meilleurs.6 Comme il a été remarqué par certains chercheurs, “la décentralisation, et notamment le transfert des pouvoirs, améliorera sensiblement la responsabilité et la gouvernance en rapprochant le gouvernement du peuple.”7 Et comme l’a déclaré le Ministre des Affaires Locales et de l’Environnement de la Tunisie, Riadh Mouaker, “Si elle réussit, la décentralisation sera le principal moteur de développement local.”8
La décentralisation donne aussi l’occasion d’expérimenter et tester d’autres politiques. Parce que le changement est beaucoup plus facile au niveau local et que les besoins et les ressources varient d’une municipalité à l’autre, la décentralisation peut permettre aux responsables de déterminer quels types de programmes et initiatives sont les plus efficaces et pour quel endroit. En outre, les bureaucrates et politiciens au niveau central sont souvent plus réticents en termes de risque que leurs homologues au niveau local ; ainsi, les autorités locales peuvent faire preuve de plus de créativité dans l’élaboration de solutions politiques aux problèmes locaux. Bien que les fruits de la créativité ne réussissent pas tous, les responsables locaux seraient plus disposés à expérimenter les nouvelles idées, qui, si elles réussissent, peuvent être reproduites ailleurs.
Outre le plan global de transfert des pouvoirs administratif et financier du gouvernement central aux régions, les efforts de décentralisation de la Tunisie ciblent trois autres objectifs : garantir une distribution plus équitable des ressources ; permettre aux acteurs locaux de décider pour leurs communautés ; et améliorer la prestation de services dans l’ensemble du pays.
Mais pour que la décentralisation réussisse, une énorme préparation ainsi que des conditions institutionnelles et psychologiques sont nécessaires. La condition préalable la plus importante consiste à réunir la volonté politique et une vision, notamment de la part du gouvernement central. Les politiques d’un gouvernement central qui entame une décentralisation timide ou qui ralentit le processus sont vouées à l’échec.
Outre le cadre juridique et les structures institutionnelles qui accompagnent les fonctions nouvellement transférées, le programme de décentralisation doit bénéficier de ressources financières et humaines solides aux niveaux central et local. Des procédures inter-bureaucratiques de gestion sont nécessaires à la fois pour garantir la responsabilité et éviter le chevauchement des efforts. Un dialogue sociétal-au niveau local et national- serait également nécessaire pour garantir l’engagement de la population dans le processus. Que ce soit à travers les organisations de la société civile et les réseaux informels ou les processus de participation directe, la population joue un rôle fondamental de supervision et de responsabilisation.
Distribution équitable des ressources
Actuellement, la Tunisie souffre d’énormes disparités régionales sur pratiquement tous les indicateurs (voir tableau 1). En 2013, 18 municipalités (y compris Tunis et ses banlieues de La Marsa, La Goulette, Sidi Bou Said, et Carthage) détenaient 51% du budget municipal de l’Etat, alors que 246 autres détenaient les 49% restants.9 Une étude réalisée par l’Organisation Internationale du Travail en juin 2017 a révélé d’énormes inégalités dans de nombreuses régions quand on compare les taux de pauvreté, le pouvoir d’achat et la qualité et proximité des services publics.10 Dans le dernier budget du régime Ben Ali avant sa chute, 82% des fonds publics étaient consacrés aux zones côtières, contre seulement 18% pour l’intérieur du pays.
En outre, dans le passé, plus de 50% du territoire était ‘non-municipalisé’, de sorte que plus d’un tiers de la population vivait en dehors des zones municipales et ne pouvait donc pas élire de responsables locaux.11 Pour que les citoyens soient tous résidents d’une municipalité, le gouvernement a créé 86 nouvelles municipalités et a élargi les territoires de plusieurs autres. En outre, l’un des principaux piliers du processus de décentralisation en Tunisie a été de remédier aux disparités régionales par l’application du processus de ‘discrimination positive’.12 Il vise à assurer une distribution équitable (et non égale) des ressources (du soutien matériel à partir du budget de l’Etat aux ressources administratives et humaines) qui offrirait progressivement les mêmes conditions à tous les Tunisiens, indépendamment de leur lieu de résidence.
La constitution de 2014 consacre le principe de discrimination positive (à l’article 12), mais le concept n’est pas nouveau en Tunisie. Les incitations fiscales et les primes d’investissement en faveur du développement régional existent depuis les années 1970.13 Cependant, le processus de décentralisation est en grande partie conçu comme un moyen de remédier durablement aux disparités régionales de longue date en favorisant certaines régions par rapport à d’autres.
Le processus de décentralisation est en grande partie conçu comme un moyen de remédier durablement aux disparités régionales de longue date en favorisant certaines régions par rapport à d’autres.
Les citoyens des régions de Tunisie traditionnellement marginalisées espèrent que la décentralisation attirera davantage l’attention sur leurs régions. Comme l’a noté un activiste de la société civile à Sidi Bouzid, au début de 2018, aucun ministre ou haut responsable national n’est originaire de Sidi Bouzid.14 Cela contribue à l’aliénation et à la distance physique et psychologique du centre. Un habitant du Gouvernorat de Siliana, candidat aux élections municipales dans la ville de Kesra a révélé son espoir que la décentralisation contribuerait à des améliorations dans sa ville car “les personnes élues vont répondre aux besoins et aux réclamations des citoyens,” contrairement aux responsables actuels qui manquent d’expérience et qui reçoivent des instructions de Tunis.15 Le conseil municipal nouvellement élu aura probablement plus de légitimité, a-t-il dit, en partie parce que les membres sont élus mais aussi parce qu’ils “comprendront la réalité de la région.”16 La décentralisation ne remédiera probablement pas au problème de la représentation des intérêts locaux au niveau national à Tunis. Mais elle permettra aux citoyens de Sidi Bouzid de décider pour Sidi Bouzid et ceux de Siliana pour Siliana.
Les habitants de Kesra ont souligné la question de la visibilité, espérant que la décentralisation leur offrira l’occasion de montrer leur région aux autres Tunisiens.17 Peu de Tunisiens—et encore moins d’étrangers—ont connaissance de Kesra, la ville située à la plus haute altitude en Tunisie, qui abrite une biodiversité exceptionnelle et des sites historiques, et offre un énorme potentiel de tourisme. Alors que le tourisme a augmenté à Kesra après la révolution, les secteurs du tourisme et de l’agriculture restent très peu développés.
Selon un autre candidat aux élections locales à Kesra, les objectifs de la décentralisation sont purement de l’ordre du développement.18 Siliana figure parmi les gouvernorats marginalisés du pays où les défenseurs de la décentralisation espèrent qu’elle sera favorable au développement économique grâce à une meilleure allocation des ressources au profit de l’agriculture et du tourisme. Le candidat a ajouté qu’il avait une idée de la façon d’améliorer le tourisme, résoudre le problème de la pollution, et développer l’agriculture de la région pour en faire un modèle d’agriculture biologique, mais que sa mise en œuvre nécessite des ressources financières, et une indépendance administrative et politique.19
Autonomiser les acteurs locaux
Selon la Banque mondiale, l’un des principaux objectifs de la décentralisation consiste à rendre les municipalités “plus actives dans la planification, la mise en œuvre et la fourniture d’infrastructure municipale et de services.”20 Certains analystes ont observé que les collectivités locales sont plus réactives que le gouvernement central grâce au meilleur accès à l’information et aux plus fortes incitations.21 Joseph Ayee, éminent chercheur Ghanéen, a écrit que la décentralisation dans son pays “a réveillé l’esprit de volontarisme et la ‘conscience’ auprès de la majorité de la population.” Cela a engendré “un accès progressif des habitants des zones rurales négligées dans le passé, aux ressources et institutions du gouvernement central” et “créé beaucoup d’opportunités pour la plupart des jeunes qui aspiraient à une carrière en politique.”22
La décentralisation peut aussi créer des opportunités d’emploi pour les jeunes au chômage, particulièrement pour les diplômés en gestion ou en politique qui peuvent remplir les nouvelles fonctions de bureaucratie locale. Et le nouveau leadership local offrira aux femmes et aux jeunes l’occasion d’intégrer le processus de responsabilité politique. Selon un activiste de la société civile, même lorsqu’ils sont membres actifs de leurs partis politiques, les femmes et les jeunes sont souvent “écartés” quand ils tentent de se présenter aux élections nationales.23 La loi régissant les élections municipales tente de résoudre ce problème en stipulant que les conseils municipaux et régionaux doivent refléter la parité entre les sexes. Cela serait réalisé par l’alternance homme-femme sur chaque liste de candidats, en plus de la parité entre les têtes de listes pour les partis avec plus d’une liste.24 Et chaque liste doit présenter une personne de moins de 35 ans parmi les trois premiers candidats.25 Par conséquent, plus de 75% des candidats inscrits ont moins de 45 ans et plus de 50% ont moins de 35 ans.26
Améliorer la prestation de services
A l’échelle mondiale, il a été démontré que la décentralisation améliore l’efficacité de l’utilisation des ressources publiques et accroît la concurrence pour ces mêmes ressources.27 A Porto Alegre, au Brésil, par exemple, l’accès à l’eau, à l’assainissement, et à l’éducation primaire et secondaire a presque doublé entre 1989 et 1996, et les recettes de la ville ont augmenté de 48%.28 En Bolivie, la décentralisation a entraîné un déplacement massif des ressources publiques au profit des municipalités les plus petites et plus pauvres. Dans ces dernières, l’investissement public dans l’éducation, le traitement des eaux et l’assainissement a augmenté dans les trois quarts des municipalités, indiquant un passage de la production à grande échelle aux besoins sociaux.29
Selon les acteurs de la société civile qui travaillent sur la décentralisation, les Tunisiens souhaiteraient surtout que les services existants, tels que l’éclairage public, la collecte des déchets, la construction et la qualité des routes, et le transport local soient améliorés.30 Les Tunisiens dans les régions traditionnellement défavorisées sont particulièrement optimistes à cet égard.
L’amélioration des services comporte également plusieurs autres effets. Elle aide à rétablir la confiance entre les citoyens et leurs élus. Selon un sondage réalisé en novembre 2017 par l’Institut républicain international, 57% des Tunisiens ont qualifié la performance du gouvernement de “très mauvaise” ou “plutôt mauvaise.” Et 67% ont déclaré que les ministères ne faisaient “absolument rien” pour répondre aux besoins des gens comme eux, alors que 73% en ont dit autant du parlement.31
En outre, certaines recherches suggèrent que la décentralisation fiscale peut réduire la corruption.32 La transparence augmente grâce aux liens plus directs qu’elle crée entre les citoyens et les autorités—on peut identifier les centres de pouvoir et les moyens de communiquer avec eux. Ceci “est très symbolique,” selon un activiste, mais facile à réaliser.33 Actuellement, les Tunisiens reçoivent très peu de correspondance de la part de leurs municipalités. Selon une enquête de 2015 de la Banque mondiale, seules 3% des personnes interrogées avaient reçu une quelconque correspondance de leur municipalité au cours de l’année précédente.34 Le problème est partiellement lié au manque d’infrastructures numériques—plusieurs municipalités ne disposent pas d’un site web opérationnel, de sorte que les agents municipaux sont amenés à utiliser leurs pages Facebook personnelles pour communiquer.35 En outre, de nombreuses municipalités n’ont même pas d’agent chargé de la communication, et d’autres n’ont qu’un ou deux agents pour traiter de toutes les questions de l’ensemble de la municipalité. Une augmentation de l’effectif local est par conséquent fortement nécessaire.
Un autre impact positif de l’amélioration des services est que les municipalités—notamment celles de l’intérieur du pays—peuvent devenir plus attrayantes aux bailleurs de fonds étrangers et au secteur privé. Par exemple, d’énormes différences quant à l’état des routes continuent à distinguer Tunis, au nord, des régions du sud et du nord-ouest. La route du sud à partir de Tunis, est en bon état jusqu’à Kairouan ; 150 kms environ. La route devient ensuite imprévisible, pouvant devenir une piste non asphaltée ou un tronçon vierge d’autoroute. Et en raison du mauvais état des routes, pour se déplacer de Tunis en direction du sud vers Siliana, une centaine de kilomètres, il faut plus de temps que de Washington, DC, à Philadelphie, villes entre lesquelles la distance est presque deux fois plus importante.
Enfin, la décentralisation peut aider à éliminer les obstacles de la bureaucratie et les lenteurs administratives qui contribuent à retarder la prise de décisions, à engendrer de la frustration chez les citoyens et à encourager la corruption.36 A cet égard, la décentralisation profite non seulement aux dirigeants locaux mais aussi aux responsables de la nation qui, en déléguant les tâches courantes de gouvernance aux fonctionnaires locaux, ont le temps de se consacrer aux politiques qui concernent la nation entière.37
Les défis de la décentralisation
Pourtant, la décentralisation en Tunisie continue à se heurter à de nombreux défis d’ordre structurel, logistique et psychologique. Le plus grand défi logistique est que le Code des Collectivités Locales, loi régissant l’ensemble du processus de décentralisation (Loi organique n° 48 de 2017), n’a été voté au Parlement que le 26 avril 2018, seulement 10 jours avant les élections municipales.38
De nombreux activistes de la société civile ont exprimé leur consternation que la loi ne soit pas achevée assez longtemps avant le processus électoral pour que les candidats comprennent leur rôle et que les électeurs Tunisiens aient connaissance de ce pour quoi ils votent. La nouvelle loi, une des plus longues et plus complexes que la Tunisie ait jamais connue, remplace celle de 1975 sur la gouvernance municipale. Selon la journaliste tunisienne Hayfa Dhouib, l’ancienne loi ne donnait aux autorités locales “ni un réel pouvoir ni une réelle autonomie administrative et financière”.39
Un autre défi structurel est le fait que 86 nouvelles municipalités (sur un total de 350) ont été créées pendant le processus de décentralisation, et n’existent jusqu’à présent “qu’en théorie.”40 En fait, 18% des Tunisiens sont dans des municipalités nouvellement créées alors que 58% sont dans des municipalités élargies.41 Alors que certaines de ces nouvelles municipalités ont été détachées de plus grandes municipalités et disposent par conséquent de personnel en fonction, de bureaux, et de budgets, il sera difficile de doter toutes les 350 municipalités d’agents et de créer une culture communautaire dans le court terme. Comme l’a noté un activiste de la société civile à Sidi Bouzid, région principalement rurale, il est très difficile de mettre en place des systèmes physiques pour permettre un contact étroit entre les autorités locales et les citoyens.42
Enfin, le processus de décentralisation est une entreprise de longue haleine qui risque de s’essouffler – le gouvernement estime qu’il faudra 27 ans pour déléguer totalement le pouvoir aux autorités locales et pour amener les municipalités les moins performantes au même pied d’égalité que le reste du pays. L’un des participants à un atelier organisé par Carnegie a exprimé sa crainte ‘d’une décentralisation partielle’. L’absence de décentralisation totale engendrerait la confusion et entraverait la responsabilisation aux deux niveaux, local et central, du gouvernement.43 La décentralisation partielle a constitué un problème dans certains cas à travers le monde. Au Brésil, au Pakistan et en Afrique du Sud, les autorités locales ont reçu des pouvoirs sur le plan administratif mais pas sur le plan fiscal ; ce qui les a empêchées de mettre en œuvre leurs politiques.
Gérer les attentes
Il ressort de conversations avec des responsables et des activistes de la société civile à Tunis et en dehors que les attentes varient largement sur ce que la décentralisation apportera au pays. Les régions intérieures traditionnellement marginalisées ont des attentes parmi les plus élevées de la décentralisation : qu’elle contribue à un environnement uniforme et à une distribution plus équitable des ressources. Mais ces résultats ne sont pas assurés. Même dans un système de discrimination positive, les impôts et la distribution des ressources peuvent ne pas être affectés car “il sera plus facile dans certaines régions que dans d’autres de générer des recettes fiscales” en raison des ressources naturelles, de l’infrastructure, et d’autres facteurs que la décentralisation ne peut pas changer d’un coup de baguette magique.44 Au Ghana, seuls ceux qui vivaient dans les plus grandes villes ou avaient une certaine influence politique pouvaient contribuer au développement de leurs régions. La décentralisation était plus une mesure de relations publiques qu’une réalité et par conséquent la volonté politique pour appliquer le changement en a souffert. A l’inverse, l’Ouganda a réussi là où le Ghana a échoué, grâce à une bonne coordination entre les ministères (dirigée par un service rattaché à la présidence) et un renforcement de capacité au niveau du district (effectué par le personnel du district qui avait été formé par des formateurs externes).45
Les régions intérieures traditionnellement marginalisées ont des attentes parmi les plus élevées de la décentralisation : qu’elle contribue à un environnement uniforme et à une distribution plus équitable des ressources. Mais ces résultats ne sont pas assurés.
Comme noté dans un rapport de l’Agence des Etats-Unis pour le développement international, (USAID), la gestion des attentes reconnaît que “les avantages de la décentralisation peuvent mettre des années à se constituer, mais le prix est à payer dès le départ.”46 Le plan de 27 ans du Ministère des affaires locales est louable et a vu le jour après des années de préparation—ateliers et séminaires dans tout le pays, et consultations auprès d’experts internationaux de douze pays.47 Cependant, il n’est pas aisé de savoir quels avantages à court terme la décentralisation apportera aux habitants de l’intérieur du pays. Selon un délégué à Sidi Bouzid, la décentralisation est un long processus qui prendra une décennie. Par conséquent, les attentes ne devraient pas être très élevées—“elle ne s’accompagnera pas de miracles,” a-t-il ajouté.48
Lors de conversations avec des individus dans les régions intérieures, il s’est révélé difficile de saisir quels changements ils souhaitaient voir à court terme, autres que le contrôle local de leurs propres affaires. Bien que cet objectif soit réaliste, il ne produira pas le développement économique dont les municipalités traditionnellement marginalisées en Tunisie ont le plus besoin. Comme d‘autres exemples l’ont montré, les gouvernements centralisés sont plus efficaces que les gouvernements locaux pour redistribuer la richesse et atténuer les disparités économiques. Ainsi, une fois que la décentralisation est en marche et que le pouvoir du gouvernement central à intervenir au niveau local diminue, la capacité du gouvernement central à uniformiser les régions diminuerait également.
Les responsables administratifs, les politiciens et la société civile devraient aussi gérer les attentes du public par rapport à la capacité de la décentralisation à améliorer la gouvernance. Ahlem Hachicha Chaker, directrice exécutive de l’Institut des politiques du parti Machrou Tounes a précisé que les attentes du public étaient élevées par rapport aux élections municipales qui amélioreraient la participation des citoyens. Grâce aux élections municipales, “les électeurs choisissent directement les personnes qui vont les représenter au niveau local [et] gérer les affaires publiques en leur nom.”49 Mais, poursuit-elle, “je pense qu’on accorde à ces élections plus de signification qu’elles n’en ont. On veut croire que ces élections vont résoudre tous les problèmes de la société, qu’elles représentent ‘une démocratie instantanée,’ qu’elles vont apporter ce nouveau modèle de gouvernance tant convoité”—des résultats fort improbables.50
Créer la volonté politique
La présence de volonté politique aux niveaux national et local est l’un des principaux indicateurs du succès de la décentralisation. Le principe de base de la décentralisation consiste à transférer le pouvoir du niveau central au niveau local. C’est ainsi que, la bureaucratie centralisée est susceptible de s’opposer à un processus qui “menace son pouvoir et son contrôle.”51 Selon le politologue Kent Eaton, au Chili et en Uruguay, “les responsables au niveau infranational étaient largement absents des négociations sur la décentralisation. [. . .] Par conséquent, les mesures de décentralisation [. . .] étaient assez circonscrites, timides et progressives, et contrastaient fortement avec les approches souvent radicales adoptées dans les pays voisins.”52
La volonté politique de la Tunisie est présente, sur le papier. La constitution consacre tout un chapitre (chapitre 7, articles 131 à 142) au gouvernement local et l’article 12 décrit le processus de discrimination positive : “L’Etat doit veiller à assurer la justice sociale, le développement durable et l’équilibre entre les régions sur la base des indicateurs de développement et du principe de discrimination positive.”53 En outre, l’article 14 stipule que “l’Etat s’engage à renforcer la décentralisation et à l’appliquer dans l’ensemble du pays, dans le cadre de l’unité de l’Etat.”54 Ainsi, il est clair que l’Etat est légalement engagé à pratiquer la décentralisation. Cependant, certains activistes de la société civile et des analystes s’interrogent sur l’engagement de la classe politique.55
Un exemple flagrant en est le report répété des élections municipales (sans parler de l’incapacité du parlement à finaliser le Code des autorités locales bien avant ces élections).56 Les participants à l’atelier Carnegie de la société civile ont affirmé que les partisans de la décentralisation n’étaient pas nombreux. Comme il a été dit, “Les politiciens craignent la décentralisation à cause des risques qu’elle entraîne pour leur propre pouvoir. C’est pour cela que les partis ne font rien pour la promouvoir.”57
De plus, de nombreux citoyens s’interrogent sur les objectives du projet car le Ministère de l’Intérieur a contrôlé le processus de décentralisation. Comme l’a dit un activiste, certains responsables municipaux et activistes de la société civile notamment sont dérangés par la “centralisation de la décentralisation.”58 Selon un acteur de la société civile “la Direction générale des collectivités locales (DGCL) du Ministère de l’intérieur a rédigé le projet du Code des autorités locales destiné à organiser la décentralisation. La décentralisation est absolument le fruit de l’imagination du ministère, c’est-à-dire l’autorité centrale… Le centre a toujours eu le contrôle absolu et a du mal à abandonner [ce contrôle].”59 Ces points de vue ont été repris par un responsable municipal qui a déclaré que le code a été “élaboré par des individus qui sont contre la décentralisation. . . . C’est le Ministère de l’intérieur qui a préparé le projet de loi… Tant qu’il n’a pas été réformé on restera sous le joug du Ministère de l’intérieur.”60
Certains craignent surtout que la décentralisation ne fasse que recréer les structures autoritaires qui étaient le fléau de l’époque Ben Ali. Un responsable municipal a déclaré, “La question est de savoir comment ce nouveau projet de décentralisation pourra rompre avec l’héritage de l’Etat policier et de l’autoritarisme, éviter l’anarchie et assurer le développement ; ce qui est au cœur des revendications de la révolution.”61
Quand des structures de gouvernement local sont créées, on a tendance à reproduire l’organisation du gouvernement central. Bien que cela puisse sembler la voie la plus facile, elle risque de recréer les tendances autoritaires et les réseaux de favoritisme et peut contribuer à la corruption localisée. Comme il a été noté dans une étude sur la décentralisation dans le monde en voie de développment, “la nature même du secteur public ne change pas automatiquement quand un secteur public est ‘décentralisé’ en séparant les couches inférieures de la bureaucratie d’Etat des couches supérieures si, en même temps, le ‘grand chef’ au sommet de la pyramide du gouvernement central est simplement prolongé par de plus petits ‘grands chefs’ au sommet de chaque pyramide de gouvernement local.”62 L’Organisation des Nations Unies a expliqué que dans certains cas d’Amérique Latine par exemple, “les réformes de la décentralisation visaient à . . . mieux infiltrer la société, à surveiller les forces de l’opposition et à renforcer la stabilité des régimes autoritaires.”63 Les chercheurs ont souligné que “les gouvernements se servent souvent des mesures de décentralisation comme de pièces de théâtre pour impressionner ou calmer les donateurs internationaux et ONG [organisations non gouvernementales] ou les circonscriptions nationales.”64
Quand des structures de gouvernement local sont créées, on a tendance à reproduire l’organisation du gouvernement central. Bien que cela puisse sembler la voie la plus facile, elle risque de recréer les tendances autoritaires et les réseaux de favoritisme et peut contribuer à la corruption localisée.
En outre, dans les régions, il est plus difficile de recruter et de garder des professionnels de qualité qui aspirent généralement à des postes plus prestigieux dans la capitale. Une étude sur la décentralisation en Tunisie a indiqué que de nombreuses municipalités ne comptent même pas un seul ingénieur ou architecte parmi leur personnel.65 Dans le même rapport, un maire a expliqué : “En termes de responsables de direction nous sommes très pauvres et avons un taux très faible de recrutement. Cela a des répercussions négatives sur l’avancement et l’exécution des projets. [. . .] Qui fait le contrôle et la surveillance des projets ? On a besoin de techniciens.”66
La question de capacité humaine est fondamentale. A la suite des élections municipales, des milliers de nouveaux fonctionnaires vont prendre leurs postes et ces derniers n’ont aucune expérience dans l’administration publique ou dans la gestion d’une municipalité. Bien que des ONG nationales et internationales prévoient l’organisation de formations à ces fonctionnaires, il sera très difficile de former correctement autant d’individus aux tâches de gouvernance, de création de consensus, de communication avec le public, et à la collaboration avec le gouvernement central. Ceci est accentué par le fait que la Code des collectivités locales n’a pas encore été rendu public—ce qui signifie que ces nouveaux fonctionnaires arriveront en fonction avec très peu de temps pour apprendre leurs nouvelles responsabilités, et encore moins pour les exécuter correctement.
La lutte contre la corruption
Les systèmes politiques décentralisés peuvent être plus vulnérables à la corruption, en raison des couches bureaucratiques supplémentaires qui peuvent subir l’influence.67 Transparency International a constaté que les Etats fédéraux sont dans l’ensemble plus corrompus que les Etats unitaires, car “les restrictions imposées par un niveau [d’Etat] augmentent les options pour l’autre.” Ayant le champ libre, les autorités locales se livrent invariablement à des pratiques corrompues qui nuisent à l’Etat.68 Les systèmes unitaires limitent cette possibilité.69 Les structures locales sont généralement moins développées que les nationales, et par conséquent plus faciles à corrompre. Les fonctionnaires sont généralement moins formés et moins rémunérés, car les plus ambitieux, avec le niveau requis d’éducation sont susceptibles de chercher un emploi au niveau national. Avec un personnel plus qualifié, les structures nationales ont tendance à être plus transparentes et responsables devant les citoyens.70 En outre, la confiance dans la décentralisation et dans son rôle de remède contre la corruption est responsable du fait qu’on néglige la possibilité que les élites se saisissent des ressources du gouvernement local. Les responsables locaux ont tendance à “satisfaire les élites locales de façon excessive, au détriment des non-élites,” et ainsi à nuire à la décentralisation par la recréation des problèmes du national au niveau local.71
Rôle du gouvernement
Alors que les autorités et institutions locales et centrales du gouvernement doivent collaborer pour que la décentralisation devienne une réalité, c’est la volonté politique du gouvernement central qui contribue le plus à son succès. Le gouvernement central doit d’abord diriger le processus en premier en s’engageant à déléguer le pouvoir financier et administratif et à instaurer une séparation claire des pouvoirs entre les niveaux central et local. En outre, le gouvernement central doit promouvoir les efforts pour instaurer une culture de communication claire et cohérente entre les fonctionnaires à tous les niveaux. Selon un rapport de l’Organisation de coopération et de développement économiques, “La mise en œuvre de la décentralisation contrôlée en Tunisie dépend de la capacité du pays à établir des systèmes efficaces de coordination et de contrôle.”72 Cependant, l’Etat central est appelé en même temps à protéger l’intégrité territoriale de l’Etat. Comme indiqué dans un rapport de l’USAID, le “gouvernement national doit être suffisamment fort pour défendre les libertés civiles, les droits politiques et l’état de droit sur l’ensemble du territoire.”73
Au niveau local, la décentralisation nécessite une coopération et coordination efficaces entre les différents niveaux de gouvernement local (par exemple entre le maire et le conseil municipal) ; entre ses différents départements (tels que la santé, l’éducation et le transport) ; et une collaboration entre les responsables locaux d’un côté et le secteur privé et la communauté au sens large d’un autre.74 La constitution exige que les autorités locales fonctionnent selon les principes de “bonne gouvernance,” “gouvernance ouverte,” et “participation des citoyens et de la société civile,” mais ces principe resteont fragiles si les responsables locaux ne mettent pas en place—de concert avec la société civile et avec le soutien du gouvernement central— des mécanismes pour la mise en œuvre pratique.75
Le gouvernement central
En plus de son rôle de couverture totale du processus de décentralisation, le gouvernement central a trois rôles à jouer dans le processus en marche en Tunisie. Il s’agit de transférer le pouvoir de façon effective et équitable, de développer une méthode juste et efficace de transfert de fonds et de garantir la présence d’un personnel qualifié au niveau local en formant les hauts responsables et les encourageant à occuper des postes dans les régions les plus marginalisées.
Transfert efficace et équitable du pouvoir administratif
Même dans un Etat décentralisé, le gouvernement central conserve généralement un pouvoir important. En Tunisie, il sera responsable de déterminer le degré de pouvoir et de responsabilité à octroyer aux différents niveaux de gouvernement local. Et pour cela le débat parlementaire sur le Code des collectivités locales est fort édifiant. Les membres du parlement ont eu des désaccords significatifs au sujet du rôle du gouverneur—qui est nommé par le gouvernement central—par rapport à celui des conseillers municipaux élus. L’article 20 du projet de loi stipule que “le président du conseil et les présidents des conseils municipaux et le gouverneur en tant que représentant de l’autorité centrale dans la région établissent un mécanisme de coordination et de coopération entre les municipalités et les départements externes et les départements de l’administration centrale et ses établissements affiliés.”76 Certains membres craignaient que la loi fût trop vague permettant au gouverneur d’empiéter sur les tâches des conseils locaux.77
L’article 200, qui décrit les conditions selon lesquelles le conseil municipal peut être dissout, a aussi suscité un important débat. Selon certains parlementaires, le conseil doit être démantelé s’il ne remplit pas ses fonctions, alors que d’autres étaient dérangés par le degré de pouvoir accordé aux représentants non élus chargés de dissoudre le conseil.78
Et l’article 264, qui stipule que le gouverneur a le droit de remplir la fonction de maire ou de nommer un maire provisoire, si la personne en exercice néglige ou refuse d’accomplir ses fonctions, a fait l’objet d’un débat houleux. L’un des membres du parlement a proposé que le conseil municipal doive d’abord tenter de résoudre le problème et que l’intervention du gouverneur ne doive intervenir qu’à la suite de l’échec du conseil municipal. Mais cet amendement a finalement été rejeté.79
Ces débats indiquent clairement qu’aucun accord n’est encore atteint sur le degré de pouvoir des responsables locaux élus et sur le rôle du gouverneur nommé, ainsi que sur le degré d’autorité du ministre des affaires locales et du parlement pour intervenir dans les affaires locales. Pour que la décentralisation réussisse, il est impératif que les responsables locaux soient suffisamment habilités pour réellement représenter leurs électeurs, sans quoi le processus risque de re-créer les structures autoritaires malsaines qui étaient le fléau du régime Ben Ali et de contribuer à la dangereuse situation existante de l’énorme manque de confiance entre le peuple tunisien et son gouvernement —ou les deux à la fois.
Pour y remédier, une fois le Code des collectivités locales est adopté, et les conseils municipaux sont élus, le gouvernement central devrait immédiatement s’atteler à transférer le pouvoir aux régions et à informer le public des limites de ce pouvoir. Pour les Tunisiens qui ont vécu dans un Etat hautement centralisé pendant des décennies, le changement culturel à une gouvernance décentralisée et localisée prendra du temps. Le passage peut se produire avec souplesse avec une transparence totale sur ce que chaque organisme contrôle et ce que les citoyens peuvent raisonnablement attendre des autorités locales.
Niveaux de gouvernement
Il y a trois niveaux de gouvernance locale— le régional, celui du gouvernorat, et le municipal. Les vingt-quatre régions de la Tunisie sont chacune dirigées par un gouverneur (wali) nommé par le gouvernement central. Des maires sont à la tête des 350 municipalités. Ils sont élus parmi les membres du conseil municipal pour un mandat de cinq ans. Le maire est responsable de la planification, de la sécurité publique, de la circulation et de la gestion de l’environnement. Le maire collabore également avec le conseil pour élaborer le plan d’investissement municipal et percevoir les taxes municipales.1 La Direction Générale des Collectivités Locales (DGCL), qui supervise les municipalités, se trouvait auparavant au Ministère de l’Intérieur, mais a été déplacée au Ministère des Affaires Locales et de l’Environnement en 2016.
Le Ministère de l’Intérieur supervise les gouverneurs régionaux, qui sont les représentants de l’Etat, à travers la Direction Générale des Affaires Régionales. Cette Direction a été retirée du ministère en même temps que la DGCL et fut rattachée au Ministère des Affaires Locales et de l’Environnement à sa création en mai 2016. Cependant, en juin 2017, elle fut de nouveau rattachée au ministère par décret gouvernemental.2 Les tâches de la Direction Générale des Affaires Régionales comprennent ce qui suit :
- Guider et contrôler les actes des gouverneurs dans les domaines administratif, politique, économique, social, culturel, et religieux ;
- Assurer la coordination avec les autres ministères et agences concernés sur toutes les questions relevant de la compétence de la Direction Générale des Affaires Régionales ;
- Surveiller la mise en œuvre des programmes de développement régional ; et
- Assurer la coordination entre les différents gouvernorats et étudier les problèmes et les réformes concernant les structures administratives régionales.3
Notes
1 Intissar Kherigi, “How to Make Local Government in Tunisia More Accountable,” Jasmine Foundation, Juin 2016.
2 Décret No. 2017-729 du 5 juin, 2017.
3 Voir le site web du Ministère de l’intérieur, https://www.interieur.gov.tn/fr/.
Développer des transferts de fonds justes et efficaces
En plus de conserver un minimum de pouvoir administratif, le gouvernement central retiendra aussi le pouvoir de la bourse—la capacité de réaliser les transferts de fonds aux régions. Actuellement, Tunis contrôle 96% de la dépense publique, avec seulement 4% du budget de l’Etat dépensé par les régions. Ceci est comparé à une moyenne mondiale de 15–35% des budgets dépensée au niveau local.80 Le processus de décentralisation tente de remédier à cette question, et le Ministre des affaires locales, Mouakher, a récemment déclaré qu’il prévoyait d’augmenter les 4% à 10% d’ici 6 ans, mais le seul fait d’acheminer de l’argent aux régions ne suffit pas.81 Le gouvernement doit adopter une méthode juste et transparente de transfert de fonds en aval, et promouvoir une distribution équitable des ressources.
Un livre blanc du gouvernement tunisien en 2011 a présenté les objectifs de la réduction des disparités régionales :
La première dimension consiste à améliorer les régions marginalisées en réduisant les inégalités socio-économiques ; la seconde dimension sert à relier les zones marginalisées aux plus développées afin d’exploiter les effets de la formation et de la diffusion par les agglomérations ; la troisième correspond à l’insertion de toutes les régions dans l’économie globale pour les inclure dans une perspective de développement dynamique et durable.82
Selon un rapport du Programme des Nations Unies pour le développement, “sans autonomie budgétaire appropriée, l’autonomie des gouvernements locaux ne peut pas être justifiée et, ainsi, le plein potentiel de la décentralisation ne peut pas être réalisé.”83 Ainsi, le gouvernement central doit “définir clairement les attributions de responsabilité en matière de dépenses afin d’améliorer la responsabilité, éviter les chevauchements improductifs, [. . .] la duplication des pouvoirs et les difficultés juridiques.”84 Un important travail de recherche et de réflexion a déjà été mené quant façon la plus efficace et la plus juste de réaliser cet objectif grâce à un partenariat entre le Ministère des collectivités locales et la Banque mondiale (pour plus d’informations, voir la section sur la communauté internationale).
Toutefois, de nombreux biens et services ne sont pas faciles à répartir entre les niveaux central et local. La santé, l’éducation, et le transport transcendent les limites et nécessitent une bonne coordination. En outre, le gouvernement central doit également conserver la responsabilité de la redistribution des revenus entre les régions car les gouvernements locaux sont moins susceptibles de traiter cette question de manière équitable.85 Par ailleurs, pour assurer une distribution juste et équitable des ressources, le gouvernement central doit promouvoir le développement dans l’ensemble du pays, car “l’augmentation des revenus individuels n’équivaut pas à l’amélioration du potentiel de développement de la région.”86
De nombreux biens et services ne sont pas faciles à répartir entre les niveaux central et local. La santé, l’éducation, et le transport transcendent les limites et nécessitent une bonne coordination.
En plus des transferts provenant du gouvernement central, le revenu des régions proviendrait de diverses taxes sur les biens, les commerces, les véhicules automobiles et le carburant ainsi que des frais pour des services locaux. Mais, selon un rapport de 2016 de l’USAID, le code fiscal tunisien “augmente l’inégalité, l’évasion fiscale, et l’illégalité.”87 Par exemple, la municipalité de Carthage est entièrement subventionnée—les habitants ne paient pas de taxes. Et, selon une étude de 2014 de la Banque mondiale 38% des ménages tunisiens ne paient pas de taxes.88 Une étude sur la décentralisation en Tunisie a indiqué qu’ “après la révolution . . . de nombreux citoyens ont décidé qu’ils ne paieraient rien à des autorités locales inefficaces et illégitimes.”89 Pourtant, la levée et collecte des impôts est essentielle pour les gouvernements locaux—“quand les citoyens paient des impôts aux autorités locales, ils peuvent exiger que des services leur soient fournis,” ce qui créé un cercle vertueux de responsabilité.90 Cela a déjà été le cas en Tunisie. Dans les municipalités où le budget participatif a été introduit, les autorités municipales ont signalé que plus d’habitants que dans le système précédent s’acquittent de leurs impôts.91
Veiller à l’existence d’une main d’œuvre qualifiée
Pour que les responsables du gouvernement central puissent bénéficier des avantages de la décentralisation, comme la charge inférieure de travail et le meilleur accès à l’information dans les zones reculées, ils doivent avoir des partenaires de haut niveau dans l’ensemble du pays. Alors que certaines régions—surtout celles le long des côtes—n’auront aucune difficulté à attirer les meilleurs et les plus brillants, et pourront offrir des équipements de qualité dans les locaux de l’administration locale, celles qui ont été marginalisées nécessiteront le soutien du gouvernement central.
Une manière de procéder consiste à développer un système d’incitations pour attirer les fonctionnaires qualifiés vers les municipalités les moins bien fournies. Les responsables élus peuvent ne pas réussir en raison du “grand décalage entre les ressources disponibles et les promesses,” ce qui a des implications aussi bien pour le gouvernement local que central.92
Le gouvernement local
En plus du rôle évident joué par les gouvernements locaux dans le processus de décentralisation, les conseils municipaux, les maires, et les gouverneurs doivent aussi œuvrer à établir des relations administratives et financières saines avec le gouvernement central et promouvoir l’engagement au-delà des limites municipales. En outre, les responsables locaux doivent élaborer des méthodes pour formaliser et normaliser la gouvernance participative.
Formaliser la gouvernance participative
Alors que le Code des collectivités locales consacre une section entière à la gouvernance participative, il laisse les détails aux responsables locaux indiquant que “le conseil local élu, en consultation avec la société civile, détermine les mécanismes et les modalités de la démocratie participative.”93 Le code exige que les conseils régionaux et locaux respectent l’approche participative dans la surveillance des services publics et la promotion du plan local de développement. Il appelle également le conseil local et régional à créer un comité sur la gouvernance participative et la démocratie locale. Cependant, la chercheure tunisienne Intissar Kherigi a recommandé de consacrer la protection de l’engagement citoyen dans la loi. Elle a particulièrement revendiqué le droit des citoyens à exiger que les autorités locales tiennent des audiences publiques et reçoivent des pétitions publiques. Selon elle, en effet, “cela peut renforcer la transparence quand les citoyens sont habilités et engagés à travers de multiples mécanismes au-delà des demandes d’information, et quand les autorités locales sont forcées de communiquer et justifier leurs décisions plus ouvertement.”94
La méthode traditionnellement utilisée pour engager les citoyens est l’élaboration participative du budget. A Porto Alegre, par exemple, cette méthode a servi à augmenter la transparence et la responsabilité dans l’utilisation des fonds publics, et les décisions qui en ont découlé ont engendré des dépenses plus équitables et un développement communautaire fondé sur les besoins.95 La Tunisie a déjà de l’expérience dans le budget participatif, qui a été mis en œuvre dans quelques localités pilotes. A La Marsa, par exemple, le processus a montré que l’élaboration participative du budget nécessite des connaissances techniques, et que, par conséquent, un personnel technique servirait à aider les citoyens à comprendre la situation financière globale et à prendre des décisions fondées.96 D’autres moyens d’encourager la participation citoyenne consiste à organiser des assemblées publiques, à tenir des sessions publiques du conseil, et à mener des enquêtes auprès des citoyens afin de véhiculer leurs avis aux responsables locaux. La société civile peut jouer un rôle à ce niveau en multipliant les opportunités de participation offertes aux citoyens.97 La Fondation Jasmin, un groupe de réflexion tunisien, a déjà lancé des cartes de pointage citoyen permettant de présenter les choix du public aux responsables de la région. Les membres espèrent étendre le système à un indice qui montrerait les comparaisons dans le temps et entre les municipalités.98
L’utilisation de documents numériques et d’initiatives de gouvernance électronique est une autre façon de mieux répondre aux besoins des citoyens. Kherigi a recommandé l’ouverture des “guichets uniques” pour les citoyens dans chaque municipalité afin de faciliter l’accès à l’information sur les services et procédures du gouvernement.99 Ils peuvent être physiques ou numériques, pour en faciliter davantage l’utilisation, et contribueraient à libérer les employés de bureaux qui autrement passeraient des heures à répondre aux questions en personne. Le service 311 du gouvernement à Washington, DC pourrait servir de modèle. Il est disponible par téléphone, sous forme d’application et portail web, pour le service désiré. Par téléphone, les citoyens composent 3-1-1 et sont dirigés par un opérateur vers le bureau approprié. Grâce à l’application et le site web, les citoyens peuvent signaler des problèmes (comme une collecte manquée de déchets ou un nid-de-poule), consulter les autres problèmes signalés, contacter le maire, ou évaluer les services locaux et les agences.
Normaliser la gouvernance participative
Au-delà des mécanismes formels de gouvernance participative, les responsables locaux devraient encourager une culture de gouvernance participative par la société civile et le grand public. Une grande partie du processus d’engagement citoyen est discrétionnaire, et dans un pays où la participation du public était inexistante, ou risquée, pendant des décennies, les responsables devront collaborer avec la société civile pour encourager la participation publique. Cela profiterait à toutes les parties. Les responsables locaux en profitent car ils peuvent mieux répondre à leurs citoyens, ce qui leur donnera plus de chance d’être perçus comme efficaces et de rester au pouvoir. Et les citoyens bénéficient certainement d’un eng agement public plus fort car leurs priorités et choix auront plus de chances de devenir des politiques publiques. Par ailleurs, l’engagement public qui a le soutien du gouvernement local éviterait le manque de confiance massif que les Tunisiens éprouvent actuellement envers le gouvernement central.
Le rôle de la société civile et des citoyens
La société civile a un rôle essentiel à jouer à la fois pour développer le processus de décentralisation en Tunisie et pour le mettre en œuvre, et en même temps celui d’agir comme chien de garde à l’égard des administrations locales et centrales ; à recueillir et communiquer les désirs des citoyens aux responsables locaux ; et à encourager et s’engager dans la gouvernance participative.
Servir de chien de garde
La société civile tunisienne a particulièrement réussi à servir de chien de garde à l’égard du gouvernement central. Et plusieurs parmi les organisations nationales les plus puissantes et efficaces—Al Bawsala, Mourakiboun, et Barr al Aman—ont démontré leur capacité et volonté à jouer ce rôle au niveau local. Le projet Marsad Baladia d’Al Bawsala a été lancé en janvier 2014 pour surveiller les municipalités et en rapprocher les citoyens.100 L’équipe de Marsad Baladia recueille les informations sur le budget municipal, les ressources humaines, les biens, les investissements, et l’activité du conseil municipal, et publie cette information sur le site web du projet.
Mourakiboun, qui avait débuté comme organisation de surveillance des élections en 2011 a énormément travaillé aussi bien dans la surveillance de l’inscription des électeurs pour les élections municipales que dans celle du secteur de la santé. En partenariat avec Democracy International, Mourakiboun a créé une plateforme centralisée de données, de cartes et d’analyses relatives aux élections qui “facilitent la prise de décision fondée sur les données, susceptible d’améliorer le processus électoral.”101 En janvier 2017, dans le secteur de la santé, Mourakiboun a suivi 2060 dispensaires dans 264 districts examinant l’état de leurs infrastructures, le déroulement des consultations, l’état des équipements et fournitures et d’autres indicateurs.102
Barr al Aman œuvre pour améliorer la gouvernance à travers les médias. Son programme radiophonique hebdomadaire d’une heure porte sur les organismes locaux et nationaux élus. Il vise à “présenter de manière concrète et en restant proche de la réalité des citoyens, des questions relatives à la décentralisation, aux prochaines élections locales, mais aussi aux procédures administratives, au fonctionnement et aux dysfonctionnements des institutions étatiques.”103 En outre, des organisations nationales comme Kolna Tounes ont des antennes dans l’ensemble du pays gérées par des activistes dans les régions, et cherchent à résoudre des problèmes locaux.
Les activistes Tunisiens craignent néanmoins que les organisations locales ne soient écartées par des organisations internationales ou basées à Tunis. Comme l’a déclaré un acteur de la société civile,
Il appartient à la société civile régionale d’accorder la priorité à la question de la décentralisation [. . .] La société civile dans les régions n’acceptera pas les associations venant de Tunis, ce qui engendrera une scission au sein de la société civile. On a recommandé que ces gens soient écoutés, l’étape suivante est de parler avec la société civile tunisienne […] d’expliquer qu’il est important d’écouter ces gens, qu’ils doivent être représentés ; il faut les intégrer. Il en ressort de toutes les analyses qu’il est nécessaire que les médias invitent ces associations qui travaillent dans les régions intérieures du pays ; il faut écouter ces gens.104
Par ailleurs, un acteur de la société civile a indiqué que les acteurs locaux regardent ces organisations basées à Tunis avec scepticisme :
Le problème avec les municipalités est que même si on est ONG tunisienne on nous demande toujours : Qui est derrière vous ? Quel est votre agenda ? La théorie du complot classique. […] Et en même temps, les citoyens ne sont plus prêts à [accepter] les promesses non tenues de la part de la société civile. La société civile se substitue au gouvernement, ses acteurs organisent des réunions partout, des tables rondes, ils proposent des solutions, mais rien ne se fait concrètement. […] Les gens veulent voir du concret, ils ne veulent pas parler juste pour parler, ils se lassent du blablabla… Donc on leur explique, si vous assistez aux séances préliminaires, votre vie ne changera pas du jour au lendemain mais au moins vous comprendrez comment les choses marchent, c’est tout. On a également dit aux municipalités on va vous aider à présenter vos problèmes de recrutement, d’équipement, aux citoyens ; c’est le maximum qu’on peut faire. Ce qu’il y a de pire pour les citoyens et pour les municipalités ce sont les promesses non tenues.105
Recueillir et communiquer les désirs des citoyens
Outre le suivi des réalisations du gouvernement local, la société civile peut recueillir et communiquer les désirs des citoyens aux responsables locaux. A Sidi Bouzid, l’ONG Smart Solutions a œuvré pour informer les habitants du rôle du gouvernement municipal et de la meilleure façon de dialoguer avec leurs élus. L’organisation a organisé plus de 20 ateliers dans des régions parmi les plus défavorisées de Tunisie—Sidi Bouzid et Kasserine—qui ont réuni 6500 personnes pour répondre à la question, “Que feriez-vous si vous étiez maire ?”106
La société civile a aussi joué un rôle important à expliquer l’importance de la décentralisation et ses mécanismes. Comme l’a indiqué un activiste de la société civile à Sidi Bouzid, “Les gens veulent être indépendants, mais ils ne font pas confiance aux partis politiques et donc ils ne votent pas.”107 Le manque croissant de confiance entre le peuple et le gouvernement risque d’anéantir les avantages de la décentralisation. Par conséquent, la société civile doit convaincre les gens qu’il est dans leur intérêt de prendre part aux décisions du gouvernement local qui ont un impact direct sur leurs vies. Comme l’a précisé le même activiste de la société civile, “La politique n’est pas la priorité des gens—ce qui les intéresse c’est améliorer l’économie et leur quotidien,” mais de nombreuses personnes, particulièrement en dehors de la capitale, ne comprennent pas qu’ils peuvent y arriver en participant à la gouvernance locale.108 Comme l’a indiqué un acteur de la société civile à Tunis, la société civile a besoin de plus de soutien matériel pour pouvoir sensibiliser à la décentralisation. Pour le moment, “la majorité des gens ne le savent pas.”109
Et un délégué de Sidi Bouzid a souligné que les citoyens sont “les responsables politiques au niveau local”. Un autre activiste a réitéré ce point de vue, déclarant que les citoyens ne doivent pas se contenter de voter—ils doivent s’impliquer dans les décisions et les politiques qui auront un impact sur leur ville et leur quotidien.110
Participer activement aux mécanismes disponibles
La question de la gouvernance participative a été très controversée—à tel point que c’est l’un des seuls aspects du Code des collectivités locales qui a été reporté pour la fin de la discussion en raison du manque de consensus. La Tunisie dispose actuellement d’un processus d’élaboration participative du budget mais les militants de la société civile sont d’accord sur la nécessité d’élargir la participation locale bien au-delà.111 La constitution a une définition étendue de la participation : “Les autorités locales adopteront les mécanismes de la démocratie participative et les principes de la gouvernance ouverte pour garantir la plus large participation des citoyens et de la société civile à la préparation de programmes de développement et à l’aménagement du territoire, et à leur suivi, conformément à la loi.”112
Mais on craint que le code ne mette pas en pratique le principe de démocratie participative tel que stipulé dans la constitution.113 Ainsi, pour que la décentralisation réussisse, la société civile doit aussi faciliter la participation des citoyens aux affaires locales. Comme indiqué dans une étude, “La participation des citoyens au processus décisionnel du gouvernement local ne vient pas de manière automatique. Des stratégies spécifiques sont nécessaires pour établir des voies de communication et renforcer les capacités aussi bien des citoyens (et des organisations qui les représentent) que des administrations locales pour que le dialogue soit constructif.”114
Alors que la démocratie participative a tendance à être plus facile à mettre en œuvre au niveau local, le passage d’un système centralisé de gouvernance, de haut en bas, à un processus participatif, de bas en haut, exige des incitations formelles—au moins dans les premières phases. Une façon d’y parvenir consiste à se doter d’une législation qui exige des autorités locales de “recueillir des informations auprès des citoyens sur leurs besoins et leurs opinions, permettre l’accès des citoyens aux délibérations du conseil, ou informer les citoyens d’une décision imminente du gouvernement,” comme il est spécifié dans le rapport de l’USAID.115
Mais même la participation légale ne peut pas aller plus loin sans volonté politique. Selon un acteur de la société civile,
En 2016, tous les projets de développement en Tunisie étaient participatifs, et je peux l’affirmer car le Ministère de l’Intérieur a envoyé aux municipalités un guide de participation. Il n’y a aucune procédure pour contrôler la mise en œuvre de l’approche participative. La seule instruction que les municipalités ont reçue exigeait qu’elles organisent au moins deux réunions sans indicateur de la représentativité des citoyens… Les municipalités doivent juste organiser deux réunions, et juste les documenter par des photos et les envoyer en tant que rapport.116
Même la rédaction du Code des collectivités locales n’a pas été à la hauteur de la norme de participation attendue par la société civile. Comme l’a souligné un activiste, la loi a été rédigée par des experts juridiques qui ont très peu consulté la société civile. Quand le projet de loi a été présenté, on a donné une demi-journée à la magistrature pour l’examiner, une demi-journée à la société civile et une demi-journée à chacune des six régions. La majeure partie de la journée de la société civile a été consacrée à la présentation du code, et les organisations de la société civile n’ont eu que deux minutes chacune pour répondre. En outre, le projet de loi—avec plus de 300 articles—n’a été rendu public que trois jours avant cette consultation ; ce qui donnait très peu de temps à la société civile et au public pour l’étudier.117 Un député du parti Ennahda a déclaré qu’il y avait “une crise de confiance entre les citoyens et les responsables politiques. Cela ne peut être résolu que par le dialogue renforcé avec les citoyens.”118
Rôle de la communauté internationale
La communauté internationale peut à la fois sensibiliser au processus de décentralisation et fournir l’assistance technique et financière nécessaire pour la mettre en œuvre. Plusieurs donateurs internationaux ont mené des études rigoureuses sur les priorités locales, et l’USAID œuvre à améliorer les prestations de services au niveau local dans quelques projets pilotes. Dans ce cadre, le partenariat public-privé peut aussi jouer un rôle important. Au cours des préparatifs pour les élections municipales du 6 mai, des ONG internationales et des donateurs ont apporté un soutien important à la formation des candidats, à la sensibilisation aux campagnes électorales, et aux efforts pour parvenir au résultat. En fait, les experts internationaux ont commencé le processus de formation des responsables locaux bien avant les élections. Comme l’a déclaré un activiste de la société civile à Sidi Bouzid, les donateurs internationaux peuvent aider la société civile et les responsables locaux à “élargir leur perspective” en les connectant au reste du monde pour leur présenter les meilleures pratiques.119
Le Programme de développement urbain et gouvernance locale soutenu par la Banque mondiale a très bien réussi à inciter à la bonne gouvernance au niveau local, et à numériser et rationaliser les procédures bureaucratiques. Avec le soutien de la Banque mondiale, le Portail du gouvernement local du Ministère des affaires locales, “fournit aux utilisateurs des informations diverses dans le domaine financier, celui du travail municipal, des plans d’investissement et du cadre juridique et réglementaire des autorités locales. La zone E-Réclamation offre aux citoyens une section où ils peuvent enregistrer leurs réclamations, et la zone des Collectivités locales permet de renforcer les échanges entre le niveau central et les communautés locales.”120
Le programme de 60 mois et 1220 millions de dinars (508 millions de dollars, dont 300 millions ont été payés par la Banque mondiale) vise à “mettre en œuvre les dispositions constitutionnelles relatives à : la décentralisation consacrée dans la Constitution, l’adoption des mécanismes de la démocratie participative, et le principe de la libre administration des Communes.”121 L’un des principaux aspects du programme est le nouveau système de transfert de subventions où le volume de subventions accordées à une localité est déterminé par un ensemble de mécanismes d’évaluation de performance. Les subventions sont destinées à des projets d’amélioration d’infrastructure et de services.122 Pour être sélectionnée pour une subvention, la municipalité doit satisfaire les cinq conditions minimales suivantes :
- Avoir un budget adopté par le conseil ;
- Fournir des états financiers au Ministère des finances avant le 31 juillet ;
- Avoir un plan d’investissement approuvé par le conseil ;
- Avoir un plan d’approvisionnement téléchargé sur le site national de passation de marchés ;
- Avoir un protocole d’accord approuvé avec la Caisse tunisienne de prêts et de soutien des collectivités locales (CPSCL).
Au-delà de ces conditions, les municipalités sont notées sur une échelle de 100 points, avec des indicateurs pour la gouvernance, la durabilité, et la gestion. Les municipalités sont évaluées par un audit indépendant, et les résultats sont communiqués sur le Portail du gouvernement local. Si une municipalité reçoit un score de 70 ou plus, ses subventions doublent pour 2018 et au-delà.123 La première année, plus de 90% des municipalités ont rempli les cinq critères de base pour avoir accès aux subventions en 2016.
Conclusion
Le processus de décentralisation en Tunisie a un énorme potentiel. Il revêt d’un côté une importance symbolique en tant que première étape vers la consolidation totale de la transition démocratique du pays et il représente une étape pratique de l’autre, cherchant à corriger certaines des injustices régionales commises avant la révolution. En habilitant les acteurs locaux et en améliorant la prestation de services, l’effort de décentralisation du gouvernement pourrait aider à réduire l’énorme manque de confiance ressenti par les Tunisiens. Mais pour réussir, le gouvernement central, le gouvernement local, la société civile, et les donateurs internationaux doivent tous s’investir dans le processus.
Tunisie a un énorme potentiel. Il revêt d’un côté une importance symbolique en tant que première étape vers la consolidation totale de la transition démocratique du pays et il représente une étape pratique de l’autre, cherchant à corriger certaines des injustices régionales commises avant la révolution.
Recommandations
Le gouvernement central en Tunisie peut prendre plusieurs mesures pour démontrer sa volonté politique envers la démocratisation :
- Gérer les attentes du public en communiquant clairement sur la décentralisation du pouvoir administratif et financier. Cela comprend la publication du plan de 27 ans, que les membres du parlement n’ont pas encore reçu ce jour,124 ainsi que des points de référence à court et à long terme par rapport auxquels le Ministère des affaires locales évaluerait le processus de décentralisation. Le Ministère devrait aussi rendre publics les conclusions de la vaste recherche mondiale qui a abouti au projet de code des collectivités locales.
- Développer une structure d’incitation pour encourager les fonctionnaires très qualifiés à travailler dans les régions les plus marginalisées. Cela pourrait comprendre un salaire supplémentaire ou des promotions basées sur le service dans certaines régions.
- Assurer un processus d’examen public pour la participation publique au niveau local. Le Code des collectivités locales ne rentre pas dans les détails de la démocratie participative qui sont plutôt placés dans un Guide de participation qui reste à prescrire par décret gouvernemental. L’idée de promulguer un décret sur la participation publique est contraire à la démocratie participative. L’Etat devrait plutôt publier un projet de décret et donner suffisamment de temps et de possibilité pour un examen national et la contribution des parties prenantes au guide.
Le gouvernement local peut :
- Offrir des opportunités de gouvernance participative en dehors de celles prévues par la loi, comme la création de conseils de citoyens ou l’organisation d’enquêtes régulières sur les préférences politiques.
- Prévoir des mécanismes pour la collaboration et la communication entre les communes. Les responsables locaux doivent s’intéresser en premier à leur propre territoire, mais aussi travailler avec les responsables des municipalités voisines pour trouver des solutions adéquates aux problèmes au-delà des limites territoriales.
La société civile doit continuer à jouer son rôle de chien de garde du processus démocratique. Mais elle a un rôle plus important à jouer au niveau local qui consiste à encourager et ancrer une culture de démocratie participative. Plus précisément, la société civile devrait :
- Mener une campagne de sensibilisation auprès du public sur la décentralisation. Elle devrait être menée par les organisations locales de base qui sont très crédibles dans leurs municipalités et devrait surtout expliquer le rôle du conseil municipal en vertu du Code des collectivités locales et des opportunités de participation dans le gouvernement local.
- Connecter les citoyens aux mécanismes de gouvernance participative. La société civile doit servir à la fois de source de savoir sur les opportunités de participation et de lien entre les responsables, le public, et les autorités locales. La société civile devrait créer des mécanismes de collecte des désirs des citoyens et les communiquer aux responsables locaux—soit à travers les mairies, les orientations formelles, les formulaires numériques de satisfaction, ou par les voies informelles.
Pour aider la société civile dans ces tâches, les donateurs devraient chercher à renforcer la capacité des organisations et réseaux dans les régions (ainsi que ceux basées à Tunis) pour améliorer leur capacité à promouvoir la gouvernance participative. Les donateurs internationaux devraient également :
- Financer les efforts pour l’e-gouvernement y compris pour la numérisation des formulaires et processus de l’administration locale. L’objectif est de créer un guichet unique physique et numérique pour l’accès des citoyens aux services municipaux et la communication avec les responsables municipaux. D’autre part, les donateurs pourraient aider le gouvernement à créer un portail pour aider à faire correspondre les offres d’emploi des autorités locales par l’expérience et l’éducation avec les fonctionnaires existants.125
- Assurer des formations et fournir des équipements aux responsables locaux sur la base des meilleures pratiques dans le monde entier. Les donateurs pourraient collaborer avec le secteur privé pour garantir à ces fonctionnaires dans l’ensemble des pays l’accès aux ressources technologiques adéquates leur permettant de communiquer avec Tunis et leurs mandants. Les donateurs devraient aussi assurer la formation des responsables locaux concernant la meilleure manière de remplir leurs fonctions.
Remerciements
Les auteurs remercient Houda Mzioudet et Kareem Asfari pour leur considérable soutien à la recherche. Ils remercient également Samuel Brase, Michele Dunne, Intissar Kherigi, Lori Merritt, Blair Scott, et Jocelyn Soly pour leur précieuse contribution à la réalisation de ce document. Ils expriment aussi leur gratitude aux participants de l’atelier Carnegie pour la société civile en février 2018 à Tunis ainsi qu’aux personnes avec qui les auteurs ont eu des entretiens au cours de la recherche. Enfin, ils expriment leur profonde reconnaissance à la Fondation Open Society pour son généreux soutien à la réalisation de ce document et à l’ensemble du Projet Monitor Tunisie.
Notes
1 Néji Baccouche, “Decentralization in Tunisia : Challenges and Prospects,” [La décentralisation en Tunisie : défis et perspectives] dans Federalism : A Success Story?, ed. Hanns Buhler, Susanne Luther, et Volker L. Plan (Munich : Hanns Seidle Stiftung, 2016).
2 Ibid.
3 Hayfa Dhouib, “Discussion avec Mokhtar Hammami sur la décentralisation : Une nouvelle approche dans une crise structurelle” [en Arabe], Nawaat, 20 juillet, 2017. Hammami est un ancien responsable du Ministère de l’intérieur récemment à la retraite ; il a gardé un poste au Ministère des affaires locales en tant que président de l’instance de prospective et d’accompagnement du processus de décentralisation.
4 Ibid.
5 Ibid.
6 Ivar Kolstad et Odd-Helge Fjeldstad, “Decentralization and Corruption : A Brief Overview of the Issues,” [Décentralisation et corruption : un bref aprerçu des problèmes], Institut Chr. Michelsen, 2006.
7 Mushtaq H. Khan, “Corruption and Gouvernance in Early Capitalism : World Bank Strategies and their Limitations,” [Corruption et gouvernance au début du capitalisme : les stratégies de la Banque Mondiale et leurs limites] dans Reinventing the World Bank, ed. Jonathan R. Pincus et Jeffrey A. Winters (Ithica, NY: Cornell University Press, 2002).
8 Remarques de Riadh Mouaker lors d’une table ronde de la Fondation Carnegie pour la paix internationale, 9 février, 2018, Tunis, Tunisie.
9 Yassine Bellamine, “A quand un projet de loi de décentralisation ?”, Nawaat, 22 janvier 2015, https://nawaat.org/portail/2015/01/22/a-quand-un-projet-de-loi-de-decentralisation-1e-partie/.
10 “La Discrimination Positive : un principe constitutionnel à concrétiser pour la promotion de l’emploi décent dans les régions”, Organisation Internationale du Travail, juin 2017, http://www.itceq.tn/upload/files/etudes/discrimination-positive-2017.pdf.
11 Ines Labiadh, “Décentralisation et renforcement du pouvoir local : La Tunisie à l’épreuve des réformes institutionnelles” (Maillages territoriaux, démocratie et élection, janvier 2016, Monastir, Tunisie).
12 Entretien de l’auteur avec un responsable du Ministère des Affaires Locales, février 2018, Tunis, Tunisie.
13 “La Discrimination Positive,” Organisation Internationale du Tr vail.
14 Entretien de l’auteur avec un activiste de la société civile à in Sidi Bouzid, février 2018, Sidi Bouzid, Tunisie.
15 Entretien de l’auteur avec un candidat aux élections locales, février 2018, Kesra, Tunisie.
16 Entretien de l’auteur avec un candidat aux élections municipales, février 2018, Kesra, Tunisie.
17 Entretien de l’auteur avec des activistes de la société civile, février 2018, Kesra, Tunisie.
18 Entretien de l’auteur avec un candidat aux élections locales, février 2018, Kesra, Tunisie.
19 Entretien de l’auteur avec un candidat aux élections municipales, février 2018, Kesra, Tunisie.
20 “Strengthening Local Governments in Tunisia as a First Step Toward Decentralization,” [Renforcer les gouvernements locaux en Tunisie comme premier pas vers la décentralisation], Banque Mondiale, 24 juillet, 2014, http://www.worldbank.org/en/news/feature/2014/07/24/strengthening-local-governments-in-tunisia-as-a-first-step-toward-decentralization.
21 Pranab Bardhan, “Decentralization of Governance and Development,” [Décentralisation de la gouvernance et du développement], Journal of Economic Perspectives 16, n° 4 (Automne 2002): 185–205.
22 Joseph Ayee, “The Adjustment of Central Bodies to Decentralization : The Case of the Ghanaian Bureaucracy,” [Adaptation des organes centraux à la décentralisation : le cas de la bureaucratie ghanéenne], African Studies Review 40, n° 2 (septembre 1997): 37–57.
23 Entretien de l’auteur avec un activiste de la société civile, février 2018, Tunis, Tunisie.
24 “Loi organique n° 2017-7 du 14 février 2017, modifiant et complétant la loi organique n° 2014-16 du 26 mai 2014 relative aux élections et référendums”, Portail national tunisien d’information juridique, 14 février, 2017, http://www.legislation.tn/sites/default/files/fraction-journal-officiel/2017/2017F/014/Tf201771.pdf.
25 Ibid.
26 Mohamed Ali Litfi, “Young Tunisians Have High Hopes for May’s Municipal Elections,” [Les jeunes Tunisiens attendant beaucoup des élections municipales du mois de mai], Al Monitor, 23 mars 2018, http://www.al-monitor.com/pulse/originals/2018/03/tunisia-elections-municipal-youth-candidates-women-new-blood.html#ixzz5BXkNguzw.
27 Voir, par exemple : Nicoletta Feruglio et Dallas Anderson, “Fiscal Decentralization : An Overview” [Décentralisation fiscale : un aperçu], dans Fiscal Decentralization Handbook, ed. Feruglio et Anderson (New York : Programme des Nations Unies pour le Développement, décembre 2007).
28 Bardhan, “Decentralization of Governance and Development.” [Décentralisation de la gouvernance et du développement]
29 Ibid.
30 Discussion avec des activistes de la société civile, février 2018, Tunis, Tunisie.
31 Center for Insights in Survey Research [Centre de réflexion pour la recherche par sondage], “Public Opinion Survey of Tunisians : November 23-December 3, 2017,” [Sondage d’opinion auprès des Tunisiens : 23 novembre- 3 décembre 2017], Institut Républicain International, 10 janvier, 2018, http://www.iri.org/sites/default/files/2018-01-10_tunisia_poll_presentation.pdf.
32 Stacey White, “Government Decentralization in the 21st Century : A Literature Review,” [Décentralisation du gouvernement au 21ème siècle : analyse documentaire], Centre d’études stratégiques et Internationales, 30 décembre 2011.
33 Discussion avec des activistes de la société civile, février 2018, Tunis, Tunisie.
34 Ibid.
35 Ibid.
36 Pour plus d’informations sur la relation entre la bureaucratie et la gouvernance en Tunisie, voir Sarah Yerkes et Marwan Muasher, “La contagion de la corruption en Tunisie : une transition à risque,” Fondation Carnegie pour la paix internationale, 25 octobre 2017, http://carnegieendowment.org/2017/10/25/tunisia-s-corruption-contagion-transition-at-risk-pub-73522.
37 Dimce Nikolov, “Decentralization and Decentralized Governance for Enhancing Delivery of Services in Transition Conditions” [Décentralisation et gouvernance décentralisée pour améliorer les conditions de prestation de services dans des contextes de transition]; (préparé comme document d’information pour le Forum régional ‘Consolider la confiance dans la gouvernance de l’Etat par le biais du renforcement des capacités des dirigeants’, 28–30 septembre 2006, St Pétersbourg, Fédération de Russie), Nations Unies, 2006.
38 Entretien de l’auteur avec un membre du parlement, mars 2018, Washington, DC.
39 Hayfa Dhouib, “Elections municipales : démystification d’une désaffection citoyenne”, Nawaat, 13 mars 2018, http://nawaat.org/portail/2018/03/13/elections-municipales-demystification-dune-desaffection-citoyenne/.
40 Entretien de l’auteur avec des membres de la société civile, février 2018, Tunis, Tunisie.
41 “Combining Art and Data to Support Tunisia’s First Municipal Elections,” [Mélanger art et données pour soutenir les premières élections municipales en Tunisie] Democracy International, 23 octobre 2017, http://democracyinternational.tumblr.com/post/166712501972/combining-art-and-data-to-support-tunisias-first.
42 Entretien de l’auteur avec un activiste de la société civile, février 2018, Sidi Bouzid, Tunisie.
43 Entretien de l’auteur avec des membres de la société civile en Tunisie, février 2018, Tunis, Tunisie.
44 Bardhan, “Decentralization of Governance and Development.” [Décentralisation de la gouvernance et du développement]
45 Ayee, “The Adjustment of Central Bodies to Decentralization.” [Adaptation des organes centraux à la decentralization].
46 Hilton Root, Anh Pham, et Anne Spahr, “Policy Challenges of Decentralization in Tunisia,” [Défis politiques de la décentralisation en Tunisie], USAID, 18 décembre 2016.
47 Entretien de l’auteur avec un responsable du Ministère des affaires locales et de l’environnement, février 2018, Tunis, Tunisie.
48 Entretien de l’auteur avec un délégué de Sidi Bouzid, février 2018.
49 Nadia Dejoui, “Municipales, entre mythologie et pragmatisme”, L’Economiste Maghrébin, 26 février 2018, https://www.leconomistemaghrebin.com/2018/02/26/municipales-entre-mythologie-et-pragmatisme/.
50 Ibid.
51 Ayee, “The Adjustment of Central Bodies to Decentralization.” [Adaptation des organes centraux à la décentralisation]
52 Kent Eaton, “Entreprise risquée : La décentralisation par le haut au Chili et en Uruguay,” Comparative Politics 37, n° 1 (Octobre 2004) : 1–22.
53 La constitution tunisienne se trouve à : “Tunisie 2014,” Constitute, https://constituteproject.org/constitution/Tunisia_2014?lang=en.
54 Ibid.
55 Entretien de l’auteur avec des membres de la société civile, février 2018, Tunis, Tunisie.
56 Les forces de sécurité voteront le 29 avril. Le reste de la population votera le 6 mai. Les élections étaient initialement prévues pour octobre 2016, puis reportées à mars 2017, puis à décembre 2017, puis encore à mars 2018 et enfin à mai 2018 en raison d’une multitude de facteurs logistiques et politiques.
57 Entretien de l’auteur avec des membres de la société civile en Tunisie, février 2018, Tunis, Tunisie.
58 Conversation de l’auteur avec un activiste de la société civile, février 2018, Tunis, Tunisie.
59 Hela Yousfi, “Redessiner les relations Etat/collectivités locales en Tunisie : enjeux socio-culturels et institutionnels du projet de décentralisation.”, Papiers de Recherche AFD, n° 2017–47, juin 2017.
60 Ibid.
61 Ibid.
62 Deborah Kimble, Jamie Boex, et Ginka Kapitanova, “Making Decentralization Work in Developing Countries : Transforming Local Government Entities Into High-Performing Local Government Organizations,” [Faire fonctionner la décentralisation dans les pays en développement : Transformer les entités du gouvernement local en organisations performantes du gouvernement local,] Centre international de développement pour la gouvernance, Urban Institute, novembre 2012.
63 “Développement institutionnel et transition : Décentralisation au cours de la transformation politique,” Commission économique et sociale des Nations Unies pour l’Asie occidentale, 22 octobre 2013.
64 Arun Agrawal et Jesse Ribot, “Accountability in Decentralization : A Framework with South Asian and West African Cases,” [Responsabilisation dans la décentralisation : un cadre avec des exemples d’Asie du sud et d’Afrique de l’ouest], Journal of Developing Areas 33, n° 4 (Eté 1999) : 473–502.
65 Yousfi, “Redessiner les relations Etat/collectivités locales en Tunisie.”
66 Ibid.
67 Bardhan, “Decentralization of Governance and Development” [Décentralisation de la gouvernance et du développement] ; Daniel Triesman, “Decentralization and the Quality of Government” [Décentralisation et qualité du gouvernement] (ébauche de document), 20 novembre, 2000.
68 Kolstad and Fjeldstad, “Decentralization and Corruption.” [Décentralisation et corruption]
69 Ibid.
70 Vito Tanzi, “Pitfalls on the Road to Fiscal Decentralization,” [dangers sur la voie de la décentralisation fiscale], Fondation Carnegie pour la paix internationale, avril 2001.
71 Kolstad and Fjeldstad, “Decentralization and Corruption.” [Décentralisation et corruption]
72 “Un meilleur contrôle pour une meilleure gouvernance locale en Tunisie : Le contrôle des finances publiques au niveau local.”, Organisation de coopération et de développement économique, 2016.
73 “Democratic Decentralization Programming Handbook,” [Manuel de programme de décentralisation], USAID, juin 2009.
74 Kimble, Boex, et Kapitanova, “Making Decentralization Work in Developing Countries.” [Faire fonctionner la décentralisation dans les pays en développement]
75 Intissar Kherigi, “How to Make Local Government in Tunisia More Accountable,” [Comment rendre le gouvernement local en Tunisie plus responsable], Fondation Jasmin, juin 2016.
76 “Projet de loi organique N°48/2017 portant promulgation du code des collectivités locales, Marsad Majles, https://majles.marsad.tn/2014/fr/lois/591dbe75cf4412226ec753d9/chroniques.
77 Ibid.
78 Ibid.
79 Ibid.
80 Intisar Kherigi, “Local Elections in Tunisia : The Last Hope for Real Change,” [Elections locales en Tunisie : le dernier espoir pour un vrai changement], Middle East Eye, 6 octobre 2017.
81 “Le gouvernement et l’augmentation du budget pour les municipalités” [En Arabe], Al-Maghrib, 29 mars 2018.
82 Abderrazak Zouari, “Livre blanc sur la décentralisation”, Gouvernement de la Tunisie, novembre 2011.
83 Feruglio et Anderson, “Fiscal Decentralization: An Overview.” [Décentralisation fiscale : un aperçu]
84 Ibid.
85 Remy Prud’homme, “The Dangers of Decentralization,” [Les dangers de la décentralisation], World Bank Research Observer 10, n° 2 (août 1995): 201–20.
86 Ibid.
87 Root, Pham, et Spahr, “Policy Challenges of Decentralization in Tunisia.” [Défis politiques de la décentralisation en Tunisie]
88 “A New Horizon for Local Governments in Tunisia,” [Un nouvel horizon pour les gouvernements locaux en Tunisie], Banque Mondiale, 20 octobre 2015, http://www.worldbank.org/en/news/feature/2015/10/19/a-new-horizon-for-local-governments-in-tunisia.
89 Frédéric Volpi, Fabio Merone, et Chiara Loschi, “Local (R)evolutions in Tunisia, 2011–2014: Reconstructing Municipal Political Authority,” [(R)évolutions locales en Tunisie, 2011-2014 : Reconstruire l’autorité politique municipale], Middle East Journal 70, n° 3 (Eté 2016): 365–81.
90 Root, Pham, et Spahr, “Policy Challenges of Decentralization in Tunisia.” [Défis politiques de la décentralisation en Tunisie]
91 Conversation de l’auteur avec un intellectuel tunisien, mars 2018.
92 Prud’homme, “The Dangers of Decentralization.” [Les dangers de la décentralisation]
93 “Projet de loi organique N°48/2017 portant promulgation du code des collectivités locales”, Marsad Majles, https://majles.marsad.tn/2014/fr/lois/591dbe75cf4412226ec753d9/chroniques.
94 Kherigi, “How to Make Local Government in Tunisia More Accountable.” [Comment rendre le gouvernement local en Tunisie plus responsable]
95 “Participatory Budgeting in Tunisia : Seizing Opportunities for Municipal Civic Engagement,” |Le budget participatif en Tunisie : saisir les opportunités pour un engagement civique citoyen] Tadamun, 29 mars 2016, http://www.tadamun.co/2016/03/29/participatory-budgeting-tunisia-seizing-opportunities-municipal-civic-engagement/?lang=en#.WutuV4gvyUk.
96 Ibid.
97 “Democratic Decentralization Programming Handbook,” [Manuel de programme de décentralisation], USAID.
98 Discussion de l’auteur avec Intissar Kherigi, mars 2018, email.
99 Kherigi, “How to Make Local Government in Tunisia More Accountable.” [Comment rendre le gouvernement local en Tunisie plus responsable]
100 Site web de Marsad Baladia, http://baladia.marsad.tn/fr/page/about.
101 Site web de Tunisia Elections, http://www.tunisieelections.org/about.
102 “Rapport Final sur l’état des lieux des centres de santé de base”, Mourakiboun, janvier 2017.
103 Site web de Barr al Aman, http://news.barralaman.tn/fr/fr_apropos/.
104 Yousfi, “Redessiner les relations Etat/collectivités locales en Tunisie.”
105 Ibid.
106 Leo Siebert, “Civic Education in Sidi Bouzid on the Anniversary of Mohamed Bouazizi,” [Education civique à Sidi Bouzid à la commémoration de Mohamed Bouazizi], Institut Républicain International, 6 février 2018.
107 Entretien de l’auteur avec un activiste de la société civile, février 2018, Sidi Bouzid, Tunisie.
108 Ibid.
109 Entretien de l’auteur avec un activiste de la société civile, février 2018, Tunis, Tunisie.
110 Entretien de l’auteur avec un activiste de la société civile, février 2018, Kesra, Tunisie.
111 Entretien de l’auteur avec des activistes de la société civile, février 2018, Tunis, Tunisie.
112 Article 139 de la constitution tunisienne, “Tunisie 2014,” Constitute, https://constituteproject.org/constitution/Tunisia_2014?lang=en.
113 Entretien de l’auteur avec des activistes de la société civile, février 2018, Tunis, Tunisie.
114 Ronald W. Johnson et Henry P. Minis, Jr., “Toward Democratic Decentralization : Approaches to Promoting Good Governance,” [Vers la décentralisation démocratique : Approches de promotion de la bonne gouvernance], Institut Research Triangle, 1996.
115 Henry P. Minis, Jr., “Recommendations for a Citizen Participation Program,” [Recommandations pour un programme de participation citoyenne], USAID, mars 1997, https://pdf.usaid.gov/pdf_docs/Pnacd966.pdf.
116 Yousfi, “Redessiner les relations Etat/collectivités locales en Tunisie.”
117 Entretien de l’auteur avec des activistes de la société civile, février 2018, Tunis, Tunisie.
118 Author interview with Tunisian Member of Parliament, February 2018, Tunis, Tunisia.
119 Entretien de l’auteur avec un activiste de la société civile, février 2018, Sidi Bouzid, Tunisie.
120 “Portail des collectivités locales”, Ministère des affaires locales et de l’environnement de Tunisie, http://www.collectiviteslocales.gov.tn/.
121 Ibid.
122 “Transparency and Accountability : Keys to Tunisia’s Decentralization Success,” [Transparence et responsabilité : la clé de la réussite de la décentralisation en Tunisie], Banque Mondiale, 15 septembre 2016, http://www.worldbank.org/en/news/feature/2016/09/09/transparency-and-accountability-keys-to-tunisia-s-decentralization-success.
123 Ibid.
124 Les auteurs ont également demandé à plusieurs reprises au Ministère des affaires locales de nous fournir une copie du plan de vingt-sept ans, mais n’ont reçu aucune réponse.
125 Root, Pham, et Spahr, “Policy Challenges of Decentralization in Tunisia.” [Défis politiques de la décentralisation en Tunisie]