Quelques leçons du Maroc pour réduire la pauvreté

Durant la dernière décennie, le Maroc a enregistré une diminution impressionnante de la pauvreté. Et les autres pays arabes aux ressources naturelles limitées, comme la Syrie ou l'Égypte, devraient examiner ce succès.

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LES ECHOS
 on 26 août 2010

Source: LES ECHOS

Durant la dernière décennie, le Maroc a enregistré une diminution impressionnante de la pauvreté. Aujourd'hui, moins de 9 % des Marocains sont qualifiés comme « pauvres » contre 16,2 % une décennie plus tôt. Même s'il ne s'agit pas d'un modèle parfait, il reste un bon exemple et les autres pays arabes aux ressources naturelles limitées, comme la Syrie ou l'Égypte, devraient examiner ce succès.
 
Cet accomplissement remarquable, dans un pays de 32 millions d'habitants ne possédant pas de ressources naturelles significatives, repose sur six facteurs : un ralentissement de la croissance démographique, un investissement intensif et ciblé dans l'infrastructure, un système fiscal efficace et une utilisation stratégique des revenus de la privatisation, un secteur de microcrédit fort, des transferts d'émigrés conséquents et une implication dynamique des organisations de la société civile.
 
Entre 1980 et 2010, la fertilité au Maroc a diminué de 5 à 2,4 enfants par femme adulte, une diminution bien supérieure à celle enregistrée en Égypte et en Syrie. Cette baisse a non seulement conduit à la réduction de la pression sur les dépenses publiques courantes, mais a permis de dégager davantage de liquidités au profit de l'infrastructure publique et entraîné une augmentation du PIB par tête d'habitant de 3,6 % durant la dernière décennie, comparée à des taux de 2,8 % et 1,6 % en Égypte et en Syrie, respectivement.
 
Durant cette période, l'État a investi dans l'infrastructure de base des zones rurales. L'expansion des réseaux d'eau potable et d'électricité a contribué à améliorer le bien-être des communautés pauvres.
 
L'aménagement des routes dans ces zones a créé en outre des opportunités pour les conducteurs de taxi et les transporteurs de marchandises et a rendu les marchés plus accessibles au commerce de produits agricoles ; se déplacer pour aller au travail ainsi qu'accéder aux services de la santé et de l'éducation sont d'autres tâches qui ont été largement facilitées. 
 
Les investissements publics dans l'infrastructure n'auraient pas été possibles sans une stabilité des ressources fiscales. Le Maroc a commencé à réformer son système fiscal durant les années 1980 en rationalisant les exemptions et en renforçant l'administration fiscale. Actuellement, les revenus fiscaux représentent 24 % du PIB contre 15 % en Égypte et 11 % en Syrie. De plus, les autorités marocaines ont créé des fonds spéciaux dans lesquels la moitié des revenus de la privatisation est canalisée. Jusqu'en 2009, le fonds avait accumulé plus de 4 milliards de dollars pour financer des investissements publics.
 
Les crédits octroyés par les associations de microcrédit sont un autre dispositif qui a permis de réduire la pauvreté. Au niveau des pays arabes, le Maroc est en position de leader du microcrédit avec 59 % du total des crédits octroyés dans la région. Les microcrédits aident à échapper à la pauvreté en fondant une petite entreprise ou bien en consolidant une entreprise existante. Le nombre des bénéficiaires de microcrédit a atteint 1,3 million. Contrairement aux crédits bancaires limités aux zones urbaines, les microcrédits bénéficient aux personnes vivant dans des villages petits et isolés.
 
Par ailleurs, les populations marocaines qui travaillent à l'étranger jouent un rôle très important dans la réduction des taux de pauvreté à travers le transfert de capitaux à leurs familles. En moyenne, chaque Marocain résidant à l'étranger envoie mensuellement l'équivalent de 100 dollars à sa famille. L'émigration d'un ou de plusieurs membres de la famille devient, de plus en plus, une stratégie-clé du ménage. Au niveau macroéconomique, les transferts représentent 8 % du PIB au Maroc, 5 % en Égypte et moins de 3 % en Syrie.
 
Enfin, l'implication active des organisations locales de la société civile contribue à la diminution de la pauvreté dans le pays. Au début, l'État tolérait l'action des ONG en tant qu'organisations se focalisant sur la distribution de services uniquement sans s'engager dans aucun débat politique. Le partenariat des ONG avec l'État et les conseils locaux, pour fournir de l'électricité, de l'eau et au niveau des campagnes d'alphabétisation, a renforcé leur position. Ensuite, un amendement du cadre légal des associations en 2002 a permis aux ONG marocaines de bénéficier directement des fonds étrangers.
 
Durant la dernière décennie, 1,7 million de Marocains sont sortis de la pauvreté. Le défi, aujourd'hui, est de soutenir cette tendance. L'accomplissement de ces objectifs requiert un combat plus acharné contre l'analphabétisme, une amélioration des politiques de redistribution fiscale et des incitations adéquates pour que les entrepreneurs informels rejoignent l'économie formelle.
 
Pour les autorités politiques d'autres pays arabes, l'expérience marocaine représente un exemple de taille : des progrès sérieux contre la pauvreté peuvent être atteints même dans les pays avec de larges populations et sans d'importantes richesses en pétrole et en gaz.
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