La politique algérienne du logement: les causes d'un échec

L'accès inégal au logement est devenu l'une des crises les plus pressantes en Algérie. Le gouvernement doit concevoir une politique du logement efficace qui permette aux citoyens un accès à un logement abordable, sans pour autant dilapider l'argent public.

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Al-Hayat
 on 17 février 2012

Source: Al-Hayat

L'accès inégal au logement est devenu l'une des crises les plus pressantes en Algérie à laquelle, depuis plusieurs décennies, le gouvernement s'est montré incapable d'apporter des solutions. Régulièrement, le pays connait des manifestations violentes à chaque fois qu'une nouvelle liste de candidats éligibles à un "logement social" - des appartements offerts par l'Etat à des citoyens dont le revenu mensuel est inférieur à 24 000 dinars (environ 320$) - est publiée. La politique du logement actuelle est à la fois couteuse et ineffective. Alors que la grogne populaire se répand à travers le pays, les décideurs publiques doivent désormais lancer une réévaluation en profondeur du système.

Les media et représentants gouvernementaux font souvent porter la responsabilité de la crise du logement à l'administration locale en charge de préparer les listes de bénéficiaires, pointant du doigt le manque de transparence et le non-respect des critères d'éligibilité en raison d'une corruption et d'un népotisme endémiques. Les pratiques au niveau local ne sont pourtant que la pointe de l'iceberg. La politique du logement, minée par des déséquilibres structurels, s'avère être défectueuse tant dans sa conception que dans sa mise en œuvre.

L'accès à un logement décent est d'une importance capitale car il procure de la stabilité et améliore le bien-être social des familles. Le secteur de la construction de logements stimule l'économie nationale et crée de nombreux emplois, en particulier pour les travailleurs non-qualifiés, ce qui est vital pour l'économie algérienne caractérisée par une croissance rapide de la population en âge de travailler et des perspectives d'emplois limitées.

Le défi qui se pose au gouvernement est de concevoir une politique du logement efficace qui permette aux citoyens, en majorité à faibles revenus, un accès à un logement décent à un prix raisonnable, sans pour autant dilapider l'argent public. 

L'intervention de l'Etat dans le secteur du logement peut se faire de trois manières différentes. Premièrement, l'Etat peut aider financièrement des groupes défavorisés à acheter une habitation sur le marché du logement . Deuxièmement, l'Etat peut stimuler la création de logements abordables qui répondent aux besoins et aux moyens de familles à faibles revenus en accordant des incitations financières et fiscales au secteur privé. Troisième option, l'Etat peut directement construire des logement ou contracter avec le secteur privé puis les distribuer, à un prix nominal ou à titre gratuit, aux bénéficiaires éligibles sélectionnés par les administrations centrales ou locales.

La dernière approche peut sembler à première vue attrayante et commode pour les groupes défavorisés; ses effets secondaires la rendent cependant couteuse, d'autant que ses objectifs sont confus.

La distribution de logements gratuits a une dimension politique, destinée à attirer des électeurs, mais ne prend pas en compte la bonne gestion des ressources publique ou des objectifs de justice sociale. Une telle option favorise également une poignée d'entreprises privées qui monopolisent les projets gouvernementaux, ce qui a pour effet d'empêcher d'autres entreprises d'entrer sur le marché, affaiblit la concurrence, et provoque une flambée des prix du logement. 

Avec un tel système les demandes de logement gratuit augmentent considérablement, ce qui crée un marché parallèle où les droit au "logement gratuit" sont échangés contre des pots de vins et autres formes de corruption. En conséquence, les plus pauvres ayant un réel besoin de soutien de l'Etat sont exclus et nombre d'entre eux sont contraints de rester dans des habitations précaires dans l'attente d'une issue incertaine. La construction de logement est à son tour ralentie et la pénurie de l'offre s'accroît.

Les décideurs publics en Algérie doivent comprendre les limites de leur système de logement social et réaliser un équilibre plus minutieux entre l'intervention étatique et les incitations économiques afin de favoriser une offre de logements sociaux à un coût compétitif tout en offrant d'avantages d'opportunités aux bénéficiaires.

L'accès à un logement décent à un prix abordable pour les ménages à faible revenu doit être incorporé à une stratégie d'ensemble qui comprend un volet sur l'aménagement du territoire afin de garantir qu'un nombre suffisant de terrains habitables soit alloué aux projets de logement sociaux; qui aborde les pratiques anticoncurrentielles dans les marchés d'approvisionnement - le ciment et l'acier en particulier; et qui favorise l'accès aux établissements de crédit sur des marchés hypothécaires concurrentiels en fournissant des garanties d'Etat pour les ménages dont les revenus sont faibles et souvent volatiles.

Des dépenses gouvernementales généreuses demeureront incapables de fournir un logement décent aux familles algériennes pauvres en l'absence d'une politique publique du logement plus cohérente qui prenne en compte les écueils existants. Faire porter la responsabilité aux fonctionnaires locaux et leurs habitudes de corruption est un pas dans la mauvaise direction qui ne dédouane pas l'Etat de sa propre responsabilité.

 (Traduction: Pierre-Arnaud Blanchard)

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