Loi algérienne sur les hydrocarbures : amendements trop timides pour faire la différence

Bien que l'Algérie possède les troisièmes réserves de pétrole en Afrique, les politiques gouvernementales ont découragé les investissements étrangers, et ont également conduit à une diminution de 20 pour cent dans la production d'hydrocarbures au cours des cinq dernières années.

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LES ECHOS
 on 30 janvier 2013

Source: LES ECHOS

Le Parlement algérien (Assemblée populaire nationale) a adopté le texte de loi sur les hydrocarbures qui amende la loi de 2005 et le décret présidentiel de 2006 dans le but d'attirer davantage d'investissements étrangers dans le secteur de l'énergie et permettre au gouvernement de répondre aux demandes sociales croissantes.

Le pays possède les troisièmes plus importantes réserves de pétrole en Afrique avec environ 12,2 milliards de barils, derrière le Nigéria et la Libye. Le secteur des hydrocarbures représente environ 35 pour cent du PIB et fournit plus de deux tiers des recettes de l'État. Une manne qui permet au gouvernement de maintenir un niveau soutenu des dépenses publiques. Comptant pour 98 pour cent des recettes d'exportation, les hydrocarbures constituent quasiment l’unique source de devises pour le pays.

Toutefois, en raison des conditions contractuelles peu attractives offertes aux compagnies étrangères par le décret présidentiel de 2006, le volume de production d'hydrocarbures de l'Algérie a baissé de 20 pour cent au cours des cinq dernières années. En revanche, la part de la production allouée à la consommation intérieure est passée de 26 pour cent en 2005 à plus de 40 pour en 2012 pour le pétrole et de 19 à 29 pour cent pour le gaz naturel. Trois facteurs ont contribué à cette tendance: une croissance démographique rapide; une hausse spectaculaire des importations de voitures et des prix locaux des carburants artificiellement bas à coups de milliards de subventions publiques. Le prix de l'essence ordinaire en Algérie, par exemple, représente 50 pour cent du prix moyen dans d’autres pays exportateurs de pétrole, 28 pour cent du prix moyen dans les pays en développement et près d'un quart du prix moyen mondial.

L'envolée de la consommation intérieure d’hydrocarbures, conjuguée à la baisse de la production, a générée une nette détérioration de l'excédent du compte courant algérien. Celui-ci a chuté de 50 pour cent sur les cinq dernières années au moment même où l'excédent global des comptes courants des autres arabes exportateurs de pétrole a progressé de 70 pour cent.

Si la tendance haussière de la consommation intérieure se maintient au cours de la prochaine décennie, les exportations algériennes d’hydrocarbures pourraient connaître une chute brutale, menaçant l’ensemble du système de redistribution de la rente tel qu’il prévaut aujourd’hui. Une étude menée en 2008 par Chatham House a révélé que l'Algérie pourrait ne plus avoir de pétrole à exporter après 2023. Une autre étude plus récente affirme que la fin des exportations pétrolières de l'Algérie pourrait intervenir entre 2018 et 2020. En absence de nouvelles découvertes de pétrole, le pays risquerait de perdre son statut de producteur à l’horizon 2026.

C’est dans un tel contexte que le gouvernement algérien a perçu le caractère urgent de l'amendement de la loi sur les hydrocarbures. Il est illusoire, néanmoins, de penser que l’adoption du nouveau texte  est la solution aux risques auxquels fait face l’économie algérienne.

D’abord, le nouveau texte n'apporte pas d’amendements «révolutionnaires» par rapport au cadre législatif existant. La disposition qui limite la participation des compagnies pétrolières internationales à 49 pour cent et attribue la majorité systématiquement à la compagnie pétrolière nationale Sonatrach a été maintenue. Ensuite, c’est de l’environnement des affaires dans son ensemble qui décourage les investisseurs étrangers. Selon le dernier rapport de la Banque Mondiale sur le climat de l’investissement «Doing Business», l'Algérie se classe à la 148ème position sur 183 pays derrière la plupart des pays du Moyen Orient et de l’Afrique du Nord.

L'Algérie reste très dépendante vis-à-vis du secteur des hydrocarbures, même par rapport aux autres producteurs de pétrole du Moyen Orient. Les hydrocarbures constituent 98 pour cent des recettes d’exportation en Algérie, contre 94 pour cent pour le Koweït, 84 pour cent pour l’Arabie saoudite et 67 pour cent pour Oman. Le secteur agricole ne contribue qu’à concurrence de 8 pour cent du PIB, tandis que le secteur manufacturier ne compte que pour 5 pour cent du PIB. Les secteurs dynamiques de la construction et des travaux publics dépendent eux même exclusivement des rentes d’hydrocarbures.

Au-delà de l’amendement de loi des hydrocarbures, l’Algérie a besoin d’une refonte profonde de ses finances publiques. Depuis quelques années, le gouvernement puise dans son fonds de régulation des recettes (FRR) ; initialement prévu pour soutenir les programmes d’investissements publics ; afin de maintenir le rythme effréné des dépenses courantes. Selon les estimations les plus optimistes du FMI, le FRR représenterait moins de 16 pour cent du PIB à l’horizon 2016, soit la moitié de son niveau de 2010. Selon un autre scénario avec des prix de pétrole inférieurs à leur niveau actuel, le Fonds pourrait se contracter jusqu’à 4 pour cent du PIB en 2016.

L’Algérie a également besoin d’améliorer la transparence de ses comptes publics. Selon l'Indice sur le budget ouvert (IBO), le pays a une note de «un sur 100» comparativement à une moyenne de 23 sur 100 pour les pays de la région MENA. Chaque fois que le Parlement ne parvient pas à adopter la loi de finances dans les 75 jours prescrits par la Constitution, le Président est habilité à l’émettre par décret. La Cour des comptes est, en principe, responsable de l'audit du budget de l'État et des comptes financiers des entreprises publiques et doit soumettre un rapport annuel au président. Dans les faits, les audits sont rarement réalisés et ne sont quasiment jamais rendus publics. La Cour des comptes ne contrôle pas les impôts sur les hydrocarbures qui fournissent les deux tiers des recettes de l'État, et la compagnie pétrolière nationale (Sonatrach) ne publie pas de rapports financiers certifiés. Le Revenue Watch Index qui évalue la transparence des revenus de 41 pays riches en ressources naturelles, a placé l’Algérie en 38ème position dans son édition 2011.

L’Algérie a besoin de surmonter sa dépendance excessive à l’égard des recettes des hydrocarbures et utiliser les marges de manœuvre budgétaires existantes dans le but de diversifier l’économie, promouvoir l’investissement privé et assurer la viabilité de ses finances publiques. A défaut d’une approche globale, les quelques amendements de la loi sur hydrocarbures risquent ne rien changer.

Cet article a été originellement publié dans Les Echos.

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