Jeunes Marocains entre exclusion et difficultés d’insertion

Aujourd'hui, le Maroc a besoin d'aborder une approche plus systématique et intégrée du développement de la jeunesse et son intégration de facon efficace, clairement axée sur le ciblage des groupes de jeunes les plus défavorisés.

Published on 11 juillet 2013

Au Maroc, les jeunes âgés entre 15 et 29 ans représentent 30 pour cent de la population totale et 44 pour cent de la population en âge de travailler. Cette situation démographique constitue à la fois une opportunité et un grand défi. Les jeunes sont un atout fondamental pour le pays, dans la mesure où ils peuvent contribuer à la croissance économique, améliorer la productivité du travail, stimuler l'innovation et booster la demande de consommation. Toutefois, l’exclusion des jeunes dans les domaines économique et social au Maroc, à l’instar des autres pays de la région, empêche de saisir ce «dividende démographique» sans égal.

 
Les formes et les manifestations de l'exclusion des jeunes au Maroc sont multiples et variées. 
 
D'abord, bien que les taux de chômage des jeunes soient élevés avec une moyenne de 22 pour cent chez les garçons et 38 pour cent chez les filles, ces taux offrent une image incomplète de l'exclusion économique des jeunes. En effet, environ 9 filles sur 10 et 4 garçons sur 10 qui ne poursuivaient pas leurs études au cours des dernières années sont soit au chômage soit économiquement inactifs. 
 
Deuxièmement, la participation des jeunes à la vie sociale est très modeste. Ils passent en moyenne 80 pour cent de leur temps à flâner ou encore dans des activités personnelles et récréatives non productives. Leur participation dans les activités civiques d’intérêt pour la collectivité telles que le bénévolat, l’adhésion à des clubs ou associations de la société civile reste faible. Une situation qui s’explique par le manque d'infrastructures d’accueil et de soutien à de telles activités. L’abandon scolaire à un âge précoce, le chômage de longue durée et l’absence de structures de soutien qui permettent de faciliter la participation dans la société conduit à la marginalisation des jeunes, accroit leur frustration et les expose à des comportements à risque.
 
Troisièmement, les sondages disponibles montrent que la majorité des jeunes se plaignent de l’incertitude et de l’absence de vision et de perspectives. La formation et l’accumulation des compétences ne suffisent plus à décrocher un emploi décent, tant dans l’administration que dans le secteur privé. Les mêmes sondages mettent en exergue le rôle central des réseaux professionnels et des relations personnelles ou familiales dans l’accès au marché de l’emploi. Selon l’Institut Gallup, un jeune marocain sur trois souhaite émigrer ou prévoit de le faire en raison d’absence d’opportunités et de perspectives au Maroc. Plus inquiétant, la volonté de quitter le pays augmente avec le niveau de formation des jeunes.
Quatrièmement, la majorité des jeunes qui ont un emploi expriment leur insatisfaction quant à la qualité des emplois qu'ils occupent, aux faibles niveaux de rémunérations et l'absence d'un minimum de sécurité et de stabilité du travail. En effet, quatre jeunes sur cinq sont embauchés sans contrat de travail et la plupart d'entre eux sont concentrés dans le secteur informel.
 
Cinquièmement, bien que la plupart des jeunes préfèrent un emploi public, seule une minorité serait prête à renoncer à un poste bien payé dans le secteur privé contre un emploi public. Contrairement à ce qui se passe dans de nombreux pays arabes où les jeunes chôment des années dans le but d’accéder à un emploi dans le secteur public, ce phénomène s’avère limité parmi au Maroc.
 
Même si la plupart des jeunes chômeurs au Maroc ont un faible niveau d'éducation, les politiques publiques de promotion de l’emploi focalisent sur le segment des chômeurs diplômés de l'enseignement supérieur. L’Agence nationale de promotion de l’emploi et des compétences (ANAPEC), établissement chargé de l’intermédiation sur le marché du travail, est largement méconnue parmi les jeunes. Moins de 10 pour cent des jeunes chômeurs ont bénéficié de ses services, selon une étude récente de la Banque Mondiale.
 
La stratégie adoptée par le Maroc pour intégrer les jeunes vise à stimuler la demande en vue de créer des possibilités d'emploi notamment à l’aide d’exonérations fiscales aux entreprises et la création de petites entreprises par le biais des crédits préférentiels aux jeunes entrepreneurs. En dépit de son importante, cette stratégie n’a fait l’objet d’aucune évaluation de son impact. En outre, l’essentiel des programmes cible les diplômés au chômage au détriment des autres segments de jeunes chômeurs.
 
Une diversité d'institutions et de programmes cherchent à fournir des services sociaux aux jeunes. Toutefois, leur travail souffre d’un manque de coordination et de convergence. Cette situation conduit à une dispersion des efforts et des ressources et à une certaine ambiguïté dans les rôles. La plupart des institutions souffrent d'un important déficit en ressources et d’une sous utilisation des méthodes modernes de suivi et d’amélioration de la qualité des services fournis.
 
Le Maroc d'aujourd'hui a besoin d'une approche intégrée qui vise l’épanouissement de la jeunesse et de son insertion efficace dans le tissu économique tout en mettant l’accent sur le ciblage des jeunes les plus défavorisés. Il est également urgent de promouvoir la participation politique des jeunes en les encourageant à exprimer leurs points de vue dans les affaires publiques tant sur le plan national qu’au niveau des collectivités locales.
 
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