Source: Les Echos
Les pays arabes ont besoin de plus d'une centaine de milliards de dollars pour éponger leurs déficits externes et faire face aux déséquilibres profonds de leurs finances publiques qui ont atteint des niveaux records depuis le début des soulèvements arabes, fin 2010. De nombreux pays dont l'Egypte, la Jordanie, le Maroc, la Tunisie et le Yémen se sont tournés vers le Fonds monétaire international (FMI) en quête d’assistance, sans beaucoup de résultats.
Le G8 avait lancé, au cours de sa réunion de Deauville en 2011une initiative du «Partenariat de Deauville» au bénéfice des pays arabes en transition, afin de leur apporter le soutien nécessaire à d'établissement de «sociétés libres, démocratiques et tolérantes», selon le texte de la déclaration officielle du partenariat. L'initiative s’articule autour de trois principaux axes : la création d'emplois par le développement du secteur privé, l’appui à la réforme institutionnelle et à la gouvernance et le renforcement de l'intégration des économies arabes au sein de l'économie mondiale.
Deux ans après le lancement de cette initiative, les résultats sont très modestes. Contrairement à l'immense appui dont a pu bénéficier l'Europe de l'Est au lendemain de la chute du mur de Berlin, le Partenariat de Deauville n’a pas tenu ses promesses et n'a pas été à la hauteur des besoins de financement dans les pays arabes. La communauté internationale semble confuse et désorientée face aux transformations politiques, économiques et sociales dans la région arabe et est incapable de les accompagner par des mécanismes adéquats de soutien. La confusion a atteint son paroxysme au vu des positions hésitantes et désordonnées face aux récents développements politiques en Egypte.L’approche du FMI est inadaptée aux spécificités des phases de transition politique
A défaut d'instruments appropriés pour financer la phase de transition, les pays arabes qui connaissent des difficultés financières n’ont trouvé que le FMI comme refuge. Il est vrai que les emprunts du FMI ont un faible coût financier comparativement à d'autres sources de financement. Ils servent également à redorer l'image de l'économie, améliorer la note souveraine du pays et augmenter la confiance des investisseurs. Toutefois, l'approche de cette institution qui repose sur la sauvegarde des équilibres économiques par le recours aux politiques d'austérité, ne convient pas aux spécificités des phases de transition politique marquées par le recul de l'activité économique et le manque de sécurité et de stabilité, comme c'est le cas en Egypte, en Tunisie ou encore au Yémen.
De plus, les prêts du FMI sont souvent conditionnés par la mise en place de mesures impopulaires telles que la baisse des subventions à la consommation, l'augmentation des impôts, le gel des salaires et la réduction des emplois dans le secteur public.
L'Egypte avait entamé depuis plus de deux ans des négociations pour obtenir un prêt de 4,8 milliards de dollars dont l’approbation a été reportée à plusieurs reprises en raison de tensions politiques en raison des doutes du FMI quant à la capacité du gouvernement à appliquer effectivement les mesures d'austérité exigées.
Privatisations aux conséquences désastreuses : mainmise d’une élite sur l’économie
L’Egypte avait déjà fait l’expérience des politiques du FMI dans les années 90 dans le cadre de l'ajustement structurel. De nombreux égyptiens considèrent que ces politiques ont été à l’origine de la hausse du chômage, la pauvreté et l'exclusion sociale. Les conséquences des politiques de privatisation étaient également désastreuses dans la mesure où celles-ci ont consacré la mainmise d’une élite d’hommes d'affaires proches du régime de Moubarak sur l’économie par le biais de d’opérations de transferts entachées de corruption et de gaspillage des deniers publics.
Cette expérience pénible a joué en défaveur du président déchu Mohamed Morsi au moment où les aspirations sociales des Egyptiens étaient énormes et leur refus de se plier aux conditions du FMI était sans équivoque. Se soumettre au dictat du FMI était perçu comme une trahison à la révolution du 25 janvier. La détérioration des conditions de vie de vastes catégories d’égyptiens et l'absence de mécanismes efficaces de soutien au processus de transition politique, associées à d'autres facteurs, ont alimenté la grogne populaire et facilité la destitution de Morsi.
Les prêts du FMI ont un coût social important et risquent de conduire à plus d’instabilité sociale et politique. La communauté internationale, en coopération avec les institutions financières internationales, doit s’engager plus fortement dans le soutien de la transition démocratique dans les pays du Printemps arabe et apporter l’aide nécessaire pour répondre aux besoins sociaux pressants. Le coût de l’inaction peut s’avérer colossal si ces pays échouent leur transition et glissent dans la violence et l'extrémisme qui risque de s’étaler sur des décennies.