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Tirer parti de la transition tunisienne: le rôle d’une réforme profondément ancrée

Pour que les efforts réformateurs de la Tunisie soient couronnés de succès, une approche partant du bas pour aller vers le haut doit également être adoptée.

by Marwan MuasherMarc Pierini, and Fadil Aliriza
Published on 15 novembre 2016

À la suite d’une période sans précédent de recherche d’un consensus politique, la Tunisie et ses partenaires internationaux ont lancé un nouveau mécanisme de coordination pour encourager les investissements sur le long terme et faciliter la croissance du secteur privé. Cependant, pour que cet effort soit couronné de succès, une approche partant du bas pour aller vers le haut doit également être adoptée de manière à ce que soient abordés les défis urgents tels que le chômage des jeunes, la corruption, la gouvernance centralisée et le manque de confiance du public. Cela exigera la mise en place de réformes économiques et politiques de large portée capables de démocratiser l’accès au marché, d’impliquer les acteurs locaux et de répondre aux besoins de tout un chacun, particulièrement ceux des citoyens marginalisés dans les régions de l’intérieur.

Thèmes clés

  • Bien que la Tunisie ait réalisé des progrès considérables sur la voie de la consolidation de sa démocratie, le consensus des partis politiques ne s’est pas traduit par une acceptation publique du processus de réforme.
  • Des inégalités substantielles subsistent entre les citoyens, en fonction de leur lieu de résidence, de leur âge et de leur statut politique et social.
  • La conférence internationale sur l’investissement de novembre 2016, Tunisie 2020, s’inscrit dans le cadre d’une stratégie de sécurisation du développement économique du pays sur le long terme, mais une application réelle de cette stratégie fait face à des obstacles majeurs sur le court terme.
  • L’augmentation des dépenses pour la masse salariale publique et de la dette laisse peu de place à l’investissement dans le budget de la Tunisie.
  • Une corruption et un népotisme généralisés, ainsi que des régimes douaniers et fiscaux prohibitifs font obstacles aux petites et moyennes entreprises et à la réalisation d’une prospérité partagée.
  • De difficiles réformes, telles que la réduction de la masse salariale publique, pourraient exacerber les tensions politiques et sociales.
  • Le type d’investissements réalisés et le niveau d’implication de la société civile seront des facteurs importants pour la création d’un ordre économique, politique et social résilient en Tunisie.

Recommandations

La Tunisie, avec un soutien international, doit :

  • Faire des réformes fiscales et douanières complètes une priorité pour ouvrir les marchés aux petites et moyennes entreprises locales et générer des débouchés d’emploi.
  • Lutter contre la corruption à tous les niveaux en obligeant les représentants officiels à déclarer leur patrimoine, en créant des mécanismes de suivi et de reddition de comptes transparents pour les secteurs de l’investissement, du développement et du commerce et en sévissant contre les flux illicites de capitaux.
  • Œuvrer pour la décentralisation de la gouvernance au niveau local en introduisant une proposition de loi électorale et en organisant des élections libres et justes.
  • Promouvoir l’investissement local dans les régions marginalisées de l’intérieur du pays.

Les partenaires internationaux de la Tunisie doivent :

  • Réaffirmer un soutien fort envers le gouvernement et la société tunisienne tout entière sur la voie truffée d’embuches des réformes.
  • Apporter davantage de soutien financier et technique au développement démocratique et économique en Tunisie et se concentrer sur des projets dont les avantages pour la portée est vaste, tels que les infrastructures.
  • Rester sensibles à la question de conditionnalité et éviter une restructuration trop rapide ou drastique de l’économie, qui exacerberait les tensions sociales et risquerait d’endommager la transition fragile de la Tunisie.
  • Impliquer les acteurs locaux, la société civile et les médias dans la formulation de politiques de développement coordonnées pour qu’ils aient leur mot à dire dans la gouvernance et augmenter les chances de succès des réformes.

Avant-propos

L’évolution fondamentale de l’ordre politique tunisien qui a commencé fin 2010 se poursuit. Un cadre de plus en plus courant pour la compréhension de ces changements consiste à les mesurer en matière de progrès réalisés et de réforme plutôt qu’en termes de révolution.1 La classe gouvernante tunisienne, en particulier, et ses partenaires internationaux ont intérêt à orienter les progrès du pays sur une voie définie par les réformes juridiques, politiques et économiques qui sous-tendent un modèle libéral démocratique de base, un modèle qu’ils voient comme la meilleure garantie de stabilité et de résistance.

Dans ce cadre, la Tunisie a réalisé des progrès significatifs. La Constitution de 2014 représente une charte progressive qui aspire à la fondation d’un système de gouvernement représentatif, juste, responsable, transparent, inclusif et pluraliste avec des poids et contrepoids. En outre, le processus de rédaction de cette Constitution a été un exemple hors-pair de « compromis profond », selon un chercheur, 2 entre différents acteurs politiques aux idéologies divergentes et un passé chargé d’antagonisme, de violence et même de torture.3 De fait, ces différends, particulièrement entre islamistes et non-islamistes, constituent un exemple remarquable d’édification d’un consensus politique. Depuis lors, cette pratique du consensus chez l’élite politique s’est poursuivie avec les coalitions gouvernementales récentes, y compris les gouvernements de Habib Essid en 2015-2016 et de Youssef Chahed depuis août 2016.4

Toutefois, de nombreux Tunisiens continuent de se sentir exclus sur le plan politique, social et économique. Pour eux, la révolution reste incomplète et le discours de la réforme et du progrès n’a pas beaucoup de poids.5 Pour ces Tunisiens, la révolution n’a pu corriger les vastes inégalités entre les régions du littoral et celles de l’intérieur, entre les jeunes et les personnes plus âgées, et entre ceux qui disposent d’un bon réseau et ceux qui n’ont pas les réseaux personnels et professionnels nécessaires pour réussir dans un système économique déchiré par le népotisme et la corruption. Bien que les partis politiques travaillent ensemble dans le cadre d’un large consensus pour trouver des solutions économiques aux maux de la Tunisie, des signes alarmants indiquent que les Tunisiens ont perdu leur foi dans le processus : 95 pour cent des jeunes Tunisiens disent manquer de confiance envers les partis politiques.6

De nombreux Tunisiens continuent de se sentir exclus sur le plan politique, social et économique. Pour eux, la révolution reste incomplète et le discours de la réforme et du progrès n’a pas beaucoup de poids.

Il sera essentiel de combler cet écart entre le gouvernement et les citoyens pour pérenniser les réformes et consolider les principes démocratiques qui ont commencé à donner forme à l’expérience politique en Tunisie. En pratique, cela se traduit par la création d’un gouvernement capable de prendre en charge les besoins et les ambitions des citoyens tout en œuvrant pour la reconstruction de l’État et de la société afin d’arriver à un ordre plus juste et à une prospérité partagée. Le gouvernement tunisien actuel et ses prédécesseurs ont travaillé avec les partenaires internationaux afin de restructurer l’économie par le biais de réformes législatives dont le but est d’attirer et de faciliter davantage d’investissements étrangers. Cette approche portera des fruits mais est également susceptible d’avoir des effets négatifs. La question est de savoir si elle suffira pour faire de l’ordre politique, économique et social tunisien un ordre résistant.

Dans un document daté d’avril 2016, intitulé « Entre promesse et dangers », les auteurs, qui appartiennent à la Fondation Carnegie pour la Paix Internationale, ont identifié plusieurs domaines dans lesquels des solutions aux défis de la Tunisie pourraient être élaborées par le biais d’un nouveau cadre impliquant la Tunisie et ses partenaires internationaux.7 Ce cadre serait principalement sous-tendu par des investissements politiques et économiques coordonnés, ainsi que par une assistance continue au secteur de la sécurité.

Depuis lors, la Tunisie et ses partenaires internationaux, le Groupe des 7 (G7, qui inclut l’Union européenne), avec les institutions financières internationales, ont lancé un nouveau mécanisme de coordination concentré sur la réforme économique et de la gouvernance tout en continuant à renforcer les capacités du secteur de la sécurité du pays par le biais d’un autre mécanisme de type G7+. Accompagnés d’une série de réformes libérales, ces instruments ont ouvert la possibilité d’une nouvelle voie pour le développement de la Tunisie.

En même temps, ces mécanismes internationaux pourraient bénéficier d’une meilleure acceptation publique, de davantage d’implication de la société civile et d’un dialogue inclusif. En outre, d’autres réformes-clés qui posent de plus grands défis politiques dans la mesure où elles peuvent contrarier des intérêts privés qui se font entendre, telles que la réforme des douanes, la réforme complète des impôts ou encore une lutte acharnée contre la corruption, n’ont pas figuré comme priorités dans les agendas législatifs des gouvernements récents.

Ces mécanismes internationaux pourraient bénéficier d’une meilleure acceptation publique, de davantage d’implication de la société civile et d’un dialogue inclusif.

La rude tâche de bâtir un consensus sur la réforme législative et de créer un discours commun sur les défis économiques et les solutions pour la Tunisie a été entamée et est, d’une certaine manière, une réussite. En outre, la Tunisie et ses partenaires ont pu exprimer clairement l’urgente nécessité de la réforme économique et de la lutte contre la corruption, en montrant qu’une politique volontariste est nécessaire pour créer des emplois et des débouchés économiques pour les citoyens ordinaires. La difficulté qu’il faut encore surmonter est de trouver des solutions créatives sur mesure pour l’expérience tunisienne, sensibles aux défis sociaux propres au pays, suffisamment audacieuses pour inciter les intérêt privés à contribuer au bien commun et élaborées par le biais d’un débat transparent et accessible avec la contribution du public au sens large. C’est là que se situe l’espoir de consolidation et de renforcement de la Deuxième République de Tunisie.

Continuation du cadre de partenariat et nouvelle tournée pour l’investissement

Pour tenter de coordonner le soutien international, le gouvernement tunisien travaille sur au moins deux grands projets. Le premier projet est le développement d’un mécanisme de partenariat conduit par la Tunisie avec le G7 (y compris l’UE), dont le but est de coordonner l’aide internationale au développement mais qui s’est élargi aux questions plus larges de gouvernance et de réforme. Le deuxième étant une tournée (« roadshow ») à l’automne 2016 où les représentants de l’État se sont rendus aux États-Unis, dans les capitales européennes et dans les pays du golfe pour présenter les objectifs de réforme de la Tunisie et attirer de nouveaux investissements institutionnels et privés à l’approche de Tunisie 2020, conférence d’ampleur sur l’investissement qui se tient à Tunis les 29 et 30 novembre.

Un mécanisme du G7+ a été lancé en juin 2016 pour faciliter la discussion sur les réformes et la mise en œuvre de projets soutenant les réformes entre le gouvernement et ses partenaires internationaux, y compris les institutions financières internationales. La portée du mécanisme est plus large que celle qui avait été proposée par Carnegie dans le document d’avril 2016, dans la mesure où elle s’étend à la gouvernance et à la réforme structurelle.

Le mécanisme compte deux présidents, l’ambassadeur de Tunisie auprès du pays qui préside le G7 et le ministre tunisien des Affaires étrangères. Il dispose d’un comité exécutif composé des ambassadeurs des membres du G7 (y compris l’UE), le ministre tunisien du Développement, de l’investissement et de la coopération internationale, ainsi que le ministre tunisien des Affaires étrangères. Sous ce comité exécutif se trouvent six groupes de travail techniques. Chacun d’entre eux compte deux co-présidents, un représentant tunisien du ministère du Développement, de l’investissement et de la coopération internationale et un représentant d’un des partenaires internationaux. Les groupes de travail sont les suivants

1. réformes économiques et gouvernance, co-présidé par l’UE,
2. infrastructure et mégaprojets, co-présidé par la France,
3. développement régional et décentralisation, co-présidé par l’Italie,
4. agriculture et économie verte, co-présidé par l’Allemagne,
5. développement humain, dont, à l’heure de la rédaction, le co-président n’a pas été choisi et
6. communication, co-présidé par le Royaume Uni.8

Le comité exécutif a tenu ses trois premières réunions en juin et juillet 2016. Après le changement de gouvernement en août, les groupes de travail ont continué à se réunir de manière régulière tout en rédigeant des rapports à présenter au comité exécutif.

L’organisation d’un mécanisme de type G7+ offre un certain nombre d’avantages. Le lancement de ce mécanisme représente une première étape importante vers l’élargissement des contributions sur les défis de la Tunisie en matière de politiques, il offre également un structure à ce qui aurait pu autrement être des négociations ad hoc et isolées entre les différents partenaires par le biais de multiples canaux. Qui plus est, la création des groupes de travail offre la possibilité d’une coopération accrue sur l’aide au développement et le soutien budgétaire, à un moment où de nombreux facteurs se sont alliés pour bloquer la mise en œuvre des projets de développement.

La version actuelle du mécanisme présente également des défis. En premier lieu, on compte la manière d’incorporer plus pleinement les mises en garde du document de Carnegie daté d’avril 2016. Le document proposait deux facteurs-clés du mécanisme, à savoir « le leadership et l’engagement de la Tunisie » et « [la mise en place de] davantage de responsabilisation et de transparence pour la Tunisie, les partenaires internationaux, le Parlement, la société civile tunisienne, les groupes d’intérêt et le public ».9 L’existence d’un groupe de travail technique dédié tout spécialement aux besoins de communication peut contribuer à la prise en charge des questions de responsabilisation et de transparence. Ce mécanisme doit, toutefois, rester fermement sous le leadership du gouvernement tunisien afin d’obtenir un soutien public large.

Pour une meilleure acceptation du processus par le public, une possibilité serait de l’ouvrir au public et d’inviter la participation d’acteurs de la société civile de manière appropriée. Des rapports réguliers soumis par les partenaires tunisiens et des communications publiques à l’Assemblée des Représentants du Peuple et, quand cela est nécessaire, à la presse sur les buts et les défis présentés par le mécanisme du G7+ introduiraient un certain niveau de supervision et de discussion susceptibles de contrecarrer les critiques potentielles. Le comité exécutif du mécanisme doit faire tout ce qui est en son pouvoir pour montrer de quelle manière ce processus aura un impact positif sur la crise du chômage des jeunes en Tunisie et démantèlera les nombreux obstacles auxquels font face les petites et moyennes entreprises (PME), à savoir accès au crédit, protection juridique et « légalité », comme l’économiste Hernando de Soto le dit,10 traitement fiscal et régimes douaniers et policiers justes, protection contre les monopoles, etc.

Pendant que le mécanisme du G7+ est mis en oeuvre, une tournée pour l’investissement a démarré à l’automne 2016 avec la participation du Président Béji Caïd Essebsi au deuxième Forum d’affaires USA-Afrique à New York en marge de l’Assemblée générale annuelle de l’ONU. Cette occasion a offert à la Tunisie un entretien largement médiatisé du Président Essebsi avec le Secrétaire d’État américain John Kerry devant un public de grands leaders du secteur privé le 21 septembre. Cet événement s’est produit quatre jours après l’adoption du nouveau code de l’investissement en Tunisie, une mesure pour laquelle John Kerry avait précédemment félicité le Président Essebsi.11

Le ministre tunisien du Développement, de l’investissement et de la coopération internationale, Fadhel Abdelkefi, s’est également rendu à Washington à l’automne 2016 pour des rencontres dans le but de souligner les objectifs de réformes de la Tunisie. La rencontre-clé du voyage du ministre avec le Fonds monétaire international (IMF),12 a souligné la question sensible de l’engagement de la Tunisie envers un gel des salaires de la fonction publique malgré un accord antérieur entre le gouvernement précédent et l’UGTT (Union générale tunisienne du travail) d’augmenter les salaires jusqu’en 2018.13 Au moment de cette rencontre, l’UGTT avait lancé une campagne médiatique vigoureuse contre le gel des salaires ; en octobre 2016, les responsables du plus grand parti de l’opposition tunisienne ont organisé des manifestations et ont critiqué l’austérité comme une perte de souveraineté nationale.14 Le FMI, dans une note de programme datée du mois d’août, a réaffirmé sa recommandation politique consistant à « maîtriser la masse salariale en la réduisant à 12 % du PIN »,15 objectif que la Tunisie risque de manquer à moins que les salaires des fonctionnaires ne soient gelés. Cette question nécessitera probablement la poursuite des négociations entre les parties prenantes.

Une approche économique des défis politiques et sociaux

Les décideurs politiques tunisiens et leurs partenaires internationaux ont correctement identifié les problèmes économiques comme les causes de bien d’autres problèmes en Tunisie. La stratégie du gouvernement a principalement été de travailler sur une série de réformes économiques libérales qui, selon lui, stimulera l’investissement étranger tout en relançant l’approche économique basée sur des plans quinquennaux, élément de base de la boîte à outils politiques de l’État tunisien. Le dernier plan quinquennal en date, qui couvrait la période 2007 à 2011, était le onzième dans l’histoire de la Tunisie. À la suite du soulèvement, l’instabilité politique a en grande partie empêché la formulation d’un nouveau plan, ce facteur ajoute une importance symbolique à la dernière version en date du douzième plan quinquennal.

Entre la masse salariale publique et la dette publique, il reste peu de place pour l’investissement

L’approche des gouvernements précédents face au problème du chômage et des troubles y afférant, ainsi que d’autres questions sociales, a consisté à augmenter le nombre de fonctionnaires et leur salaire. Lors d’une longue interview télévisée, Fadhel Adbelkefi a proposé une analyse des conséquences macroéconomiques de cette politique :

Depuis cinq ans, nous voyons une croissance de la masse salariale, le coût du travail dans le secteur public [est passé] de 6 milliards de dinars [2,7 milliards USD] en 2010 à 13,2 milliards de dinars [5,9 milliards USD] en 2016, ce qui représente 70 % de nos recettes fiscales. . . . La marge de manœuvre au sein du budget national à l’heure actuelle n’est plus disponible. . . . Nous n’avons désormais pas le choix, il faut encourager l’investissement interne et externe.22

Les remboursements du service de la dette creusent également un trou dans les finances de la Tunisie. Dans le même entretien, Abdelkefi a remarqué que la dette publique exprimée en pourcentage du produit intérieur brut est passée de 40 % en 2010 à environ 62 % en 2016 et que ce chiffre a atteint les 80 % lorsque l’on « prend en compte les garanties octroyées par l’État à certaines institutions ».

Les solutions proposées par le gouvernement visant un encouragement de l’investissement interne et externe doivent être nuancées. Les investissements dans l’agriculture, par exemple, ont eu des effets négatifs sur les petits exploitants.23 En même temps, si l’État restreint les salaires, cela n’a pas uniquement un impact social mais l’impact négatif se fait aussi sentir sur la consommation et sur la demande globale.

La récolte des fruits de l’investissement privé étranger est généralement vue comme un but à long terme et il s’agit clairement d’une priorité pour la Tunisie. Sur le court terme, le respect des recommandations du FMI en matière de modifications législatives offriront également un soutien budgétaire à un moment où les salaires et les paiements du service de la dette sont en augmentation.16 Cela indiquera également de manière claire aux institutions financières internationales et aux partenaires bilatéraux qu’ils doivent s’engager envers la Tunisie et contribuer à l’édification de projets de développement qui représentent des investissements réels et créent des emplois.17

L’autre priorité du gouvernement, qui ne peut pas être immédiatement prise en charge par la réforme fiscale et réglementaire, est la lutte contre le chômage. Avec un taux de 31 % pour les jeunes,18 le chômage reste une des principales causes des troubles et une source importante de défis sociaux et économiques. Selon Fadhel Abdelkefi, le chômage est « le plus grand problème économique et social en Tunisie. . . . La guerre contre le chômage, à mon sens, est aussi importante que la guerre contre le terrorisme ».19

Le premier défi politique concernant le chômage porte sur l’emploi dans le secteur public (cf. encadré). Entre 2010 et 2014, le nombre de fonctionnaires est passé d’environ 480.000 à près de 580.000, sans compter les employés des sociétés publiques.20 Les diplômés au chômage dans les régions marginalisées de l’intérieur en particulier ont organisé des centaines de manifestations et de sit-ins, exigeant des emplois du secteur public. Le chômage des diplômés est un fardeau pour un État qui a investi dans son système d’enseignement supérieur, la proportion de la population tunisienne diplômée d’études supérieures a plus que triplé pour passer de 4 % en 1990 à plus de 12 % en 2010, l’État n’a cependant pas investi dans les secteurs professionnels correspondants ou adopté des politiques qui encouragent de manière efficace la création d’emplois dans le secteur privé susceptibles de correspondre aux qualifications des diplômés.21

La promotion de l’entreprenariat représente une alternative à une fonction publique en croissance. Les PME, après tout, sont souvent les plus gros créateurs d’emplois. Selon le nouveau secrétaire d’État auprès du ministre tunisien de l’Emploi et de la formation professionnelle en charge de l’initiative privée, l’État commence à peine à voir la promotion de l’entreprenariat comme l’un des rôles qu’il doit jouer. Cela signifie qu’il faut simplifier les procédures administratives, restructurer le financement et démocratiser l’accès au marché. Pour ce qui est des procédures administratives, il est important de contribuer au retrait des obstacles à l’entreprenariat, par exemple, par la réduction des formalités d’enregistrement et de conformité ou par l’inclusion de la catégorie « auto-entrepreneur » dans le document d’identité nationale.24

La restructuration du financement est plus difficile. Les banques privées ne prêtent pas beaucoup aux PME, elles réservent principalement leurs prêts aux grosses entreprises parmi leurs clients. Toutefois, les banques publiques, en particulier la Banque Tunisienne de Solidarité (BTS), se sont également comportées comme des banques privées depuis la révolution, en mesurant la performance en termes non de projets ou d’entreprises financés ou encore d’emplois créés, mais par le résultat financier. La BTS travaillait précédemment sous la supervision rapprochée du parti au pouvoir, le RCD (Rassemblement constitutionnel démocratique) dans ce qui était un système politique autoritaire et de parti unique. Dans ce système, les banques d’État fonctionnaient d’une manière que certains ont identifiée comme faisant preuve de favoritisme envers les alliés du régime, en octroyant de mauvais prêts alors même que l’État les recapitalisait régulièrement.25 En l’absence de cette assurance depuis la dissolution du RCD après la révolution de 2011, la BTS octroie des prêts beaucoup moins risqués, ce qui contribue donc à réduire les opportunités de financement pour les PME. Un autre problème est le fait que le système de gestion des financements de la BTS n’est pas adapté aux petites entreprises qui peuvent s’effondrer si elles ratent un mois ou deux de salaires. Le gouvernement tunisien semble conscient de ces défis et recherche des solutions de manière active.

Un autre obstacle auquel les PME font face est le puissant contrôle exercé par les entreprises bien établies sur le marché, ce qui se traduit par un manque de concurrence. En outre, des opérations opaques dans l’octroi de licences d’importation et d’exportation ainsi qu’une inégalité dans les contrôles règlementaires et de conformité qui ciblent les plus petites entreprises et ignorent les grandes sociétés ont freiné davantage la croissance des concurrents de petite et moyenne taille. Ces obstacles risquent d’être exacerbés si les activités de la chambre de commerce sont centralisées et si les chambres de commerce régionales ne disposent pas de la capacité nécessaire pour faire une promotion et une défense efficaces et indépendantes du secteur privé local.26

Une réforme des douanes et des régimes d’imposition qui démocratise l’accès au marché va s’avérer difficile mais se traduirait par de grands progrès d’incorporation du secteur informel dans le secteur formel et par un meilleur usage de son énergie créatrice d’emplois.

Du fait de ces obstacles formels, bon nombre de PME évoluent dans le secteur informel, qui représente, selon certaines estimations, plus de la moitié du marché et qui, selon le document publié par Carnegie en avril 2016, a « dépassé l’économie formelle en termes de. . . PIB ».27 Bien que le secteur informel de la Tunisie, particulièrement le commerce illicite de produits de contrebande provenant d’Algérie et de Libye, soit une source d’emplois, il n’est pas réglementé et se trouve en grande partie hors du contrôle de l’État. Cela signifie que l’État y perd en recettes fiscales alors que les employés du secteur informel ne disposent pas de sécurité sociale et d’emplois sûrs.28 Une réforme des douanes et des régimes d’imposition qui démocratise l’accès au marché va s’avérer difficile mais se traduirait par de grands progrès d’incorporation du secteur informel dans le secteur formel et par un meilleur usage de son énergie créatrice d’emplois.

Un autre défi pour la création d’emplois est lié au fait que les programmes de formation technique parrainés par l’État ne correspondent pas aux normes professionnelles nécessaires dans l’environnement actuel du travail. En outre, les stages et l’apprentissage ne sont pas encore des systèmes bien ancrés en Tunisie. Comme le ministre chargé de l’entreprenariat l’explique, « si nous voulons avoir la capacité de créer des infrastructures de taille, nous avons besoin de davantage de formations pratiques ».29

Si le gouvernement s’attaque au chômage par le biais d’un programme d’emploi en-dehors de la structure formelle de la fonction publique traditionnelle, cela pourrait éviter les problèmes traditionnels associés à un secteur public surdimensionné, l’emploi comme un dû sans évaluation de la performance en termes de productivité ou de service rendu aux citoyens. Cette approche pourrait inclure des contrats temporaires dans les projets de travaux publics en dinars qui ne nécessiteraient pas une augmentation du fardeau pesant sur les réserves en devises ou un financement international. La gestion urbaine, les maisons de retraite et les projets d’art sont autant de domaines qui pourraient permettre aux chômeurs de longue date d’acquérir de nouvelles compétences professionnelles tout en réduisant le chômage, selon un chercheur qui est en train d’élaborer une proposition basée sur ces éléments-là.30 Les financements pour cela pourraient être levés par le biais d’une vente de bons du Trésor en dinars émis par l’État en coordination avec des investisseurs privés.

Nouveau Code de l’investissement

Comme pour les réformes de la réglementation, le nouveau Code de l’investissement tunisien doit représenter un changement positif pour les investisseurs étrangers. Adopté par le Parlement tunisien le 17 septembre 2016, il est beaucoup plus court et a pour but d’être plus simple.31 L’ancien code avait contribué à scinder l’économie tunisienne en deux secteurs, un « offshore » et un « onshore », dichotomie qui, selon la Banque mondiale, maintenait « les deux côtés de l’économie piégés dans une productivité faible » et « accentuait les disparités régionales ».32

En outre, le nouveau code prévoit la création d’un nouveau Conseil supérieur de l’investissement pour la coordination de l’octroi de toutes les licences. Les responsables des pouvoirs publics disent voir ce conseil comme un guichet unique pour les investisseurs qui sera chargé de la coordination de l’octroi des licences, permis, autorisations et autres démarches administratives relevant généralement de multiples instances administratives. Le gouvernement reconnaît que le Code de l’investissement n’est pas parfait, mais Abdelkefi le décrit comme « une première étape » et le voit comme un moyen de mettre la Tunisie à pied d’égalité avec les autres pays de la Méditerranée en matière de concurrence pour les investisseurs.33

Politique de développement

Le plan quinquennal de développement pour la période 2016-2020 sera l’un des principaux éléments exposés lors de la Conférence d’investissement Tunisie 2020. Il s’agit du premier plan quinquennal de ce type depuis le soulèvement de 2010-2011 que l’État tunisien a pu créer et coordonner, élément essentiel du mécanisme de l’économie étatiste de la Tunisie. Le document n’était pas entièrement finalisé au moment de la rédaction de ce rapport. Toutefois, l’ancien ministre du Développement, qui a joué un rôle essentiel dans la rédaction du plan, a indiqué que le document a bénéficié de larges contributions à la suite de nombreuses rencontres dans toute la Tunisie.34 Entretemps, les ministres de l’UE ont jugé que le plan était un « pilier pour permettre aux partenaires de la Tunisie de cibler leur soutien et leur assistance financière ».35

Les chiffres sont susceptibles de changer mais une version du plan prévoit des projets pour un montant d’environ 60 milliards USD sur les cinq années à venir, avec une partie du financement déboursée après l’horizon de la période de cinq ans.36 De ce budget, environ deux tiers devraient provenir de financements externes, le reste des propres sources de recettes de l’État. Une réussite notable de ce plan, selon l’ancien ministre du Développement, tient au fait qu’il a été négocié entre la plupart des principaux partis politiques, dont les idéologies sont très différentes. En outre, le plan a été conçu avec près de 70 % du budget alloué au développement dans les gouvernorats les moins développés de l’intérieur du pays et environ 30 % aux huit autres gouvernorats plus développés du littoral.37 Compte tenu du fait que la population tunisienne se concentre davantage dans les régions développées, ces chiffres traduisent une pondération en faveur des régions les plus pauvres.

Le plan quinquennal ne représente qu’un objectif de politique de développement qui doit être mis en œuvre par le biais de la procédure budgétaire annuelle. Mais il offre une vision grâce à laquelle la Tunisie espère obtenir le soutien de ses partenaires, aussi bien les investisseurs des États et institutionnels, ainsi que les acteurs du secteur privé. Un accent fort est mis sur les investissements directs étrangers ; toutefois, en privé, de hauts responsables, de nombreux décideurs politiques et des observateurs étrangers reconnaissent que le capital local tunisien doit également commencer à investir pour contribuer à l’attraction du capital privé étranger. Cela est particulièrement vrai pour les régions de l’intérieur du pays.

Dans ce sens, le Premier ministre, Youssef Chahed, a organisé une rencontre semi-publique avec les plus grandes entreprises et conglomérats tunisiens peu de temps après son arrivée au pouvoir en août 2016. Lors de cette rencontre, Chahed a expliqué que les cercles des affaires représentaient les « success stories » de la Tunisie dont personne ne parle, tout en demandant à ces entreprises d’investir dans les régions moins développées.38 Certains Tunisiens ont critiqué cette rencontre dans la mesure où elle n’a pas inclus de PME, mettant ainsi l’accent sur l’idée que seules les grandes entreprises ont accès aux plus hauts responsables. Toutefois, les membres de l’équipe du Premier ministre ont vu cette rencontre comme une première étape vers la création d’une relation positive avec les personnes capables de réorganiser l’économie dans les bonnes conditions.39 En outre, la stratégie de communication consistant à mettre en évidence les réussites nationales pourraient appliquer une certaine pression sur le secteur privé pour qu’il joue un rôle plus positif en politique publique lors de crises économiques.

Les défis « bottom-up » de la consolidation démocratique et la résilience économique

Le succès d’un partenariat qui s’inscrit dans la durée visant la facilitation du développement politique et économique en Tunisie ne dépend pas uniquement de mécanismes de coopération ou d’une réforme législative. Les défis du bas vers le haut (« bottom-up ») sont nombreux et, s’ils ne sont pas pris en charge par toutes les parties prenantes de la coopération, ils risquent de saper la consolidation d’un système politique formel en Tunisie capable de répondre à ses citoyens. Ces défis sont nombreux mais les plus urgents à l’heure actuelle sont une acceptation du public, la prise en charge de la corruption et la décentralisation de la gouvernance.

Le document de Carnegie daté d’avril 2016 identifie cinq engagements-clés susceptibles de contribuer à la garantie de la réussite tunisienne. Deux de ces engagements étaient, d’une part la revitalisation de la sensibilisation du public et le lancement d’un dialogue inclusif avec toutes les parties prenantes, et d’autre part « l’avancée de réformes susceptibles d’obtenir l’acceptation du public et d’éliminer les obstacles à la croissance, particulièrement dans les communautés marginalisées ».40 Les méthodes utilisées depuis lors par le gouvernement tunisien pour mettre en œuvre les réformes économiques ont toutefois réduit l’acceptation du public et sa sensibilisation. La politique du consensus a, d’une certaine manière, réussi à atténuer les divisions entre les élites politiques par le biais de réunions à huit clos. Mais cette approche a eu pour effet de marginaliser l’opposition formelle et de réorienter davantage les litiges politiques sous des formes informelles, telles que les grèves, les sit-ins et les mouvements de manifestations populaires.41

Amélioration de l’acceptation du public

Les réformes économiques libérales adoptées par le gouvernement tunisien ont été accompagnées d’une stratégie médiatique volontariste. Toutefois, ces réformes auraient pu profiter d’un débat public plus intense et transparent et de contributions plus diversifiées. La prise en charge des tensions sociales qui perdurent exigera davantage de travail pour l’édification de l’acceptation du gouvernement et de ses politiques par le public.

La pratique de la recherche du consensus au sein de l’élite a joué un premier rôle crucial dans la réorganisation du système de gouvernement post-révolutionnaire de la Tunisie sous la forme du Quartet de dialogue national tunisien. Ce groupe de quatre organisations non-gouvernementales a été créé pendant l’été 2013 afin de résoudre la crise politique que les politiciens semblaient incapables de gérer. Cette crise était alimentée par un mélange de troubles publics extrêmes et de polarisation idéologique quant au rôle de la religion dans l’État, et a été déclenchée par deux assassinats politiques et une série d’attaques hautement médiatisées commises par des militants à l’encontre des forces de sécurité tunisiennes.

Le rôle du Quartet a permis une transition vers une solution politique non-violente et a valu aux quatre organisations le prix Nobel de la paix en 2015, mais beaucoup voient ce prix comme une validation des efforts du peuple tunisien tout entier de travail conjoint sur ce que le Professeur Charles Tripp appelle un « projet politique commun », à savoir la République tunisienne.42

Cette politique du consensus des élites s’est poursuivie après les élections législatives et présidentielle avec une coalition gouvernante entre les deux grands partis, Nidaa Tounes et Ennahdha. La formation d’un nouveau gouvernement en août 2016 a prolongé cette tradition. En juin 2016, la présidence d’Essebsi, ancien leader et co-fondateur de Nidaa Tounes, a lancé le processus pour un nouveau gouvernement d’unité nationale. Dans une série de consultations à l’été 2016, neuf partis politiques, l’UGTT, un syndicat agricole et l’UTICA (Union tunisienne de l’industrie, du commerce et de l’artisanat) ont conclu l’Accord de Carthage qui souligne un large ensemble de priorités politiques partagées. Le résultat final de ce processus fut un nouveau gouvernement qui inclut plus de partis et deux ministres jouissant de liens étroits avec la direction de l’UGTT.43 Une des membres du gouvernement issu d’Ennahdha a noté avec satisfaction que plusieurs politiciens qui avaient précédemment juré de ne jamais travailler avec son parti font désormais partie d’un gouvernement de coalition aux côtés de ce dernier.44

91 % des jeunes Tunisiens ne font pas entièrement confiance au Parlement, alors que les autres institutions de l’État souffrent également d’un manque de confiance.

Mais cette politique du consensus cache souvent les raisons pour lesquelles la recherche du consensus a démarré. Non seulement la polarisation idéologique qui a exigé la recherche d’un consensus en 2013 était extrême, mais des troubles graves et aux causes profondes et multiples ont également contribué à un sentiment anti-gouvernemental depuis le soulèvement de 2010-2011.45 Les raisons de ces troubles reflètent les raisons de la révolution, à savoir, un manque de débouchés économiques, un manque de dignité pour les citoyens dans leurs relations avec l’État et un manque de services publics, de logements et de développement. Au-delà de ces doléances, l’après-révolution a connu l’inflation et une croissance faible.

Les problèmes fondamentaux qui ont alimenté les troubles et ont à leur tour déclenché la recherche d’un consensus n’ont pas disparu, du fait d’un consensus inclusif. En fait, les attitudes publiques à l’égard des pouvoirs publics en général se sont détériorées. Par exemple, 91 % des jeunes Tunisiens ne font pas entièrement confiance au Parlement,46 alors que les autres institutions de l’État souffrent également d’un manque de confiance.

Entre janvier 2015 et mai 2016, plus de 5 000 manifestations ont eu lieu dans tout le pays.47 Des manifestations ont éclaté dans tout le pays en janvier 2016 après qu’un jeune homme se soit tué en manifestant contre le népotisme dans la fonction publique s’étant traduit par le retrait de son nom de la liste des candidats à un poste de fonctionnaire. Des troubles et affrontements considérables entre la police et les manifestants s’en sont suivis.48 La situation ne s’est calmée que lorsque des couvre-feux ont été imposés au niveau national, après une intervention policière modérée et l’annonce de réformes populistes, bien que non contraignantes, par le Premier ministre Essid. Ces dynamiques sociales sous-jacentes et l’abîme entre les citoyens et les pouvoirs publics révèlent les limites du type de recherche du consensus qui domine la politique en Tunisie.

La raison de ce changement de gouvernement en août 2016, selon Essebsi, était que le gouvernement précédent n’avait pas su prendre en charge les défis auxquels la Tunisie fait face, particulièrement les questions économiques.49 Toutefois, un certain nombre de commentateurs tunisiens, y compris aussi bien des critiques que des alliés du gouvernement,50 voient le remaniement comme une extension du pouvoir exécutif, particulièrement du pouvoir présidentiel, à un moment où il existe un manque de confiance envers le leadership. En l’absence continue de cour constitutionnelle, dont la création reste sur l’agenda parlementaire, les différends sur l’autorité exécutive et entre les pouvoirs exécutif et législatif resteront en suspens, ce qui permet à la pratique traditionnelle d’une présidence forte de façonner les politiques.51

La capacité d’une politique de consensus conduite par une présidence forte à arriver, à terme, à prendre en charge les questions sociales, reste une question fondamentale. Lorsqu’il s’agit de réformes législatives particulières, l’agenda de réforme récent a également révélé un écart considérable entre l’acceptation du public, l’inclusion et la transparence. Entre 2011 et 2014, la Tunisie disposait d’un processus législatif et d’un développement politique ouverts mais cette ouverture ne s’est pas encore entièrement institutionnalisée. Un environnement ouvert est un élément-clé du développement démocratique en Tunisie : c’est le processus d’ouverture à la société civile, aux médias et l’engagement citoyen qui ont mené au type de compromis caractérisé par le débat, la rédaction et la ratification de la Constitution de 2014.

Plusieurs lois récentes ont été élaborées au sein d’une commission dite de consensus au Parlement. La commission, initialement conçue pour régler les conflits s’opposant à l’adoption de la Constitution de 2014, a été utilisée pour le débat de projets de loi sensibles qui affecteront la structure à venir de l’économie tunisienne et redéfiniront le rôle de l’État. Et ce malgré le fait que l’existence de la commission n’est pas été stipulée dans les règles de procédures internes du Parlement. Les réunions de la commission de consensus ont lieu en grande partie en la présence de journalistes ou d’observateurs de la société civile. En outre, les procès-verbaux des réunions de la commission ne sont ni enregistrés ni publiés.52 En même temps, les séances plénières du Parlement, qui permettent des rencontres publiques entre les membres du Parlement et du gouvernement et offrent la possibilité de poser des questions sur les politiques, n’ont pas eu lieu de manière mensuelle comme le prévoient les règles de procédures du Parlement.

Des décideurs politiques tunisiens ont déclaré que les réformes ont avancé à un rythme trop rapide.

D’autres facteurs ont ajouté de l’opacité au processus de proposition des lois. Bien qu’un code de l’investissement bien rédigé compte bon nombre d’avantages potentiels, certaines parties prenantes, y compris des représentants des pouvoirs publics, pensent que le débat public a été limité et les débats parlementaires trop rapides. Des décideurs politiques tunisiens ont déclaré que les réformes ont avancé à un rythme trop rapide. Les conditions d’assistance budgétaire, selon l’un des députés, « ont lié les mains » des législateurs.53 Certains pensent également que les bénéfices de l’investissement et de l’assistance ont été utilisés pour façonner les changements législatifs, contournant ainsi un large débat public.54 En octobre 2016, le secrétaire général de l’UGTT a critiqué la manière dont les partenaires internationaux de la Tunisie abordaient les réformes économiques, avançant que leur approche ne prenait pas en compte la fragilité de la démocratie tunisienne.55

Pour d’autres parties prenantes, les acteurs privés externes sont également susceptibles d’influencer le processus législatif de manière non-transparente. Après que deux parlementaires différents aient accusé leurs collègues d’accepter des pots-de-vin en échange de services législatifs, l’État a ouvert une information judiciaire sur ces allégations.56 Entretemps, le cadre de gouvernance tunisien ne dispose pas encore de règles strictes en matière de divulgation et de transparence pour les groupes d’intérêts (lobbies).57 Tout cela suggère que la Tunisie a besoin de règles plus solides régissant les conflits d’intérêts, l’argent politique et le lobbying.

Un autre des cinq engagements-clés identifiés par Carnegie dans son document d’avril 2016 est un mécanisme d’accélération pour certains projets de développement. Le document décrit le mécanisme comme une commission interministérielle qui identifierait des projets prêts à être exécutés, accélèrerait les procédures d’autorisation traditionnelles et contournerait les processus de passation de marchés publics normaux. Le but essentiel de cette voie rapide est de dégeler les projets d’infrastructures, particulièrement dans les régions défavorisées de Tunisie. Dans la ligne de cette recommandation, la Tunisie progresse dans la discussion d’une version d’un tel mécanisme, que le ministre du Développement appelle une « loi économique d’urgence ».58

Il s’agit potentiellement d’une étape positive pour le dégel des projets de développement. Une version préliminaire du projet de loi propose toutefois que les projets de développement à large échelle soient exemptés de supervision parlementaire. Une équipe rendant compte au Premier ministre sera en grande partie chargée de décider de la désignation, sans contribution du Parlement. Les projets gelés pourraient profiter d’un mécanisme qui réduit le processus bureaucratique mais les parlementaires doivent envisager les risques d’une autorité accrue de l’exécutif et du contournement des débats et de l’examen publics. Aucun mécanisme n’est proposé pour remplacer le processus de passation de marchés afin d’assurer des mesures anticorruption et aucune directive claire ne régit les conflits d’intérêts potentiels.

Prise en charge de la corruption

La corruption est un des principaux défis lorsqu’il s’agit de résoudre les problèmes économiques de la Tunisie. Même si un nouveau climat de l’investissement est encouragé par l’adoption de réformes économiques libérales, les négociations informelles avec toutes sortes d’acteurs bureaucratiques persisteront. Les acteurs des collectivités locales, les sociétés de services publics, les responsables des douanes et les officiers de police sont en mesure d’imposer des exigences indépendantes aux acteurs commerciaux, ce qui laisse l’investissement vulnérable face à une corruption potentielle. Des réformes fiscales et douanières complètes sont essentielles à cet égard. Qui plus est, les gouvernements qui se sont succédés n’ont pas abordé la question d’une éventuelle corruption de haut niveau ; le manque de véritable divulgation publique du patrimoine des hauts–fonctionnaires risque de laisser le système politique vulnérable face au favoritisme et au népotisme.

La rhétorique initiale du nouveau gouvernement semblait indiquer que la lutte contre la corruption serait au deuxième rang des priorités derrière la lutte contre le terrorisme.59 Chahed a demandé à ses ministres de divulguer leur patrimoine dans les dix jours suivant leur entrée en fonction. Les ministres, ainsi que bon nombre d’autres fonctionnaires, doivent déjà soumettre leur déclaration de patrimoine sous enveloppe scellée à la Cour de comptes, conformément à une loi de 1987.60 Cette enveloppe reste toutefois scellée à moins qu’une affaire judiciaire en exige la divulgation. La loi de 1987 exige également des élus, lorsqu’ils quittent leurs fonctions, qu’ils divulguent leur patrimoine une fois de plus, bien que la conformité à cette procédure semble faible.61 Il ne s’agit pas d’une déclaration sur l’honneur des biens, qui aurait un effet positif sur la transparence globale au sein du gouvernement. En outre, l’Article 11 de la Constitution tunisienne déclare que le Président et les législateurs doivent également divulguer leur patrimoine, mais aucune loi n’a été adoptée depuis l’adoption de la Constitution de 2014 il y a deux ans pour codifier ce principe constitutionnel.

La lutte contre la corruption exige également des efforts concertés pour déraciner la corruption avérée et potentielle aux plus hauts niveaux de l’État afin que la culture d’impunité soit effectivement démantelée. Une plus grande transparence dans ce domaine exigerait une divulgation plus complète des conflits d’intérêts potentiels sans s’arrêter aux simples biens. À la lumière des projets de développement et d’infrastructures tunisiens et du mécanisme d’accélération, l’absence de loi réglementant l’Article 11 de la Constitution est susceptible de créer les conditions propices à un système politique vulnérable face au clientélisme.

La Tunisie dispose d’une autorité de lutte contre la corruption ; cette autorité et son budget sont placés sous le contrôle du bureau du Premier ministre. Cela entrave l’indépendance de l’autorité et sa capacité à mener des enquêtes sur la corruption. L’organisation semble avoir un deuxième souffle depuis janvier 2016 avec des financements accrus et une direction nouvelle.2 L’autorité indique avoir reçu 1.937 plaintes depuis début 2016, dont 832 ont été soumises sous forme de dossiers aux enquêteurs et 106 au Ministère de la Justice.63 Il est difficile de savoir, toutefois, combien de ces dossiers ont pu être résolus par l’autorité et si le système judiciaire a la capacité de les résoudre et le fera.

Le volume des flux financiers illicites aurait excédé les dettes en Tunisie au cours des quelques dernières dizaines d’années.64 Cela suggère que le modèle de développement économique actuel pourrait être radicalement réorganisé si la lutte contre la corruption était vigoureuse. Le rapport indique que la Tunisie a perdu, en moyenne, 905 millions USD par an du fait des flux illicites de capitaux entre 1970 et 2010. Au niveau macroéconomique, ces flux prennent la forme de facturation incorrecte ou d’évasion fiscale.65

La Tunisie peut adopter des mesures pour prendre en charge ce problème en réformant les régimes douaniers et fiscaux de manière à ce qu’ils soient plus justes, plus transparents et plus professionnels. Il s’agira principalement d’un combat politique et une volonté de lutter légalement contre les monopoles et les réseaux commerciaux informels de manière égale sera nécessaire. Si la priorité n’est pas accordée à cette tâche, les flux illicites de capitaux risquent de saper la capacité de développement de la Tunisie.

Il existe de nombreuses manières de réduire la corruption auxquelles le gouvernement tunisien comme ses partenaires internationaux peuvent apporter leur aide. Par exemple, on pourrait présenter une proposition de loi qui exige la divulgation publique des biens des hauts responsables élus, conformément à l’Article 11 de la Constitution. Ou encore, on pourrait travailler à l’application d’une plus grande transparence fiscale, ce qui pourrait contribuer à la stimulation de la conformité fiscale. Une troisième option serait d’engager davantage de capital politique pour les enquêtes et poursuites des fonctionnaires ainsi que des acteurs du secteur privé jugés coupables de corruption. Des lois strictes, appliquées de manière vigoureuse en matière de lobbying et de financement politique pourraient également réduire le potentiel de corruption.

Les partenaires internationaux de la Tunisie peuvent contribuer à la réduction de la corruption de plusieurs manières, ce qui est également dans leur intérêt. Par exemple, ils pourraient effectuer le suivi des financements du développement et publier les budgets à chaque phase du cycle des projets, de l’équipement aux salaires. En allant encore plus loin, la communauté internationale peut envisager de faire pression en faveur d’une plus grande coopération internationale pour la réduction des flux illicites de capitaux et des paradis fiscaux.

Décentralisation de la gouvernance

La nouvelle Constitution tunisienne engage le pays envers la décentralisation, il s’agit là d’un pilier de la politique de l’État.66 La capacité de l’État à travailler pour les citoyens et la confiance qu’a le peuple envers les pouvoir publics dépendent toutes deux en partie du travail des municipalités. Bon nombre des déficiences les plus visibles dans le contact entre les citoyens et les pouvoirs publics sont évidentes au niveau municipal, de la collecte des ordures à l’entretien des chaussées, en passant par les autorisations foncières et commerciales. L’agent de police qui, en décembre 2010, avait confisqué la marchandise d’un vendeur à la sauvette du nom de Mohamed Bouazizi, qui s’était par la suite immolé par le feu et dont l’action était devenue un catalyseur de la révolution tunisienne, était agent municipal et le lieu où Bouazizi a commis son acte de résistance en se donnant la mort était le parvis d’un bureau municipal. Les événements de janvier 2016, lorsque des manifestations à l’échelle nationale ont éclaté après qu’un chômeur se soit électrocuté dans le centre-ville de Kasserine en protestant contre les autorités locales, suggèrent que les tensions liées à la gouvernance locale perdurent.

Au vu du fossé qui perdure entre les autorités locales et les citoyens et de cette crise de gouvernance locale continue (cf. encadré), la démocratie locale est un élément-clé de l’acceptation des citoyens et de leur participation à leurs propres affaires.67 L’organisation d’élections locales est un élément-clé vers la consolidation de la démocratie en Tunisie. Toutefois, les élections locales ont déjà été reportées à deux reprises et l’adoption de la loi régissant les élections locales a été retardée du fait de ce que les organisations internationales observatrices appellent « un manque d’attention flagrant pour l’organisation d’élections régionales ».68 D’autres ont suggéré lors d’entretiens privés que le gouvernement décidait en fait des dates des élections en fonction de la convenance politique.

À Jemna, la gouvernance locale face à l’autorité de l’État

À l’heure actuelle, le rôle régulateur de la Tunisie tranche avec une politique de développement globale de l’État en coordination avec les autorités locales. Jemna, petite ville du gouvernorat méridional de Kébili, en est le parfait exemple. À la suite de la révolution de 2011, les habitants de la région ont confisqué des terres publiques productrices de dattes que l’État central avait vendues à des sociétés quelques années auparavant sans l’approbation des habitants ou du conseil local.72 Ces citoyens ont, de manière collective, cultivé les terres, vendu leurs produits et réinvesti les bénéfices dans des projets de développement civique.73

Malgré cette réussite apparente, le gouvernement tunisien a déclaré que la vente de dattes à Jemna était illégale et a promis de poursuivre en justice toute personne impliquée dans la vente. Le gouvernement a déclaré la vente illégale sous prétexte que les terres étaient publiques et ne pouvaient pas être gérées de facto par les habitants sans que leur statut juridique ne soit réglé avec l’État.74

Certains politiciens de Tunis se sont rendus à Jemna en octobre 2016 pour apporter leur soutien aux habitants qui tenaient tête à l’État. Entretemps, les représentants des pouvoirs publics avaient tenu des consultations précédemment à Jemna au cours desquelles ils ont proposé que l’association soit transformée en société privée à statut particulier. Toutefois, cette proposition a suscité des préoccupations chez les habitants quant à la possibilité que de telles sociétés cultivent les terres sans réinvestir dans la communauté.75

Les élections ne peuvent pas avoir lieu sans une loi régissant les élections locales, ni une loi régissant la décentralisation et déterminant les responsabilités des conseils municipaux et régionaux. Entre ces deux lois, la dernière est devenue prioritaire dans l’agenda parlementaire.69 Bien qu’un projet de loi ait été présenté, débattu par la commission parlementaire compétente et soumis au Parlement en plénière le 1er juin 2016, il traîne depuis lors.70 Nombre de ceux qui observent cela de près ont indiqué, lors d’entretiens privés, que la raison du retard est que les partis politiques, avec l’exception possible d’Ennahdha, ne sont pas suffisamment organisés pour mobiliser des campagnes électorales de terrain et que de nombreux partis politiques sont perçus comme étant mal placés pour réussir.71

Le défi des élections locales ne représente qu’une seule pièce du puzzle de la décentralisation. L’autre pièce du puzzle est la négociation du rôle politique des autres institutions formelles au niveau local.

Le défi des élections locales ne représente qu’une seule pièce du puzzle de la décentralisation. L’autre pièce du puzzle est la négociation du rôle politique des autres institutions formelles au niveau local, qu’il s’agisse des ministères, des chambres de commerce, des gouverneurs, des syndicats, des sociétés privées ou des réseaux économiques informels qui incluent des acteurs devenus de puissants groupes d’intérêt à part entière. De manière formelle, les vingt-quatre gouverneurs de Tunisie continueront à être nommés par l’État central mais à la suite des élections, ils devront négocier avec leurs propres collègues et avec les élus des conseils régionaux. Le rôle des gouverneurs, leur éventuel droit de veto sur les budgets et les projets proposés par les conseils régionaux, ainsi que le ministère sous lequel ils seront employés restent des questions-clés.

Compte tenu de la rapide succession de gouvernements depuis 2011, ainsi que des capacités et du pouvoir limités des cabinets des législateurs, la tâche de rédaction des propositions de loi sur la décentralisation revient désormais en grande partie aux fonctionnaires de ce qui est maintenant le ministère des Affaires locales, qui était précédemment un service au sein du ministère de l’Intérieur. La complexité de la question et ses spécificités techniques et juridiques rendent l’implication du public difficile. Toutefois, certaines organisations non gouvernementales, Al Bawsala étant la plus connue, ont affecté des ressources à des recherches approfondies sur la question, en visitant et en interrogeant les responsables des autorités locales et en recrutant des bénévoles dans les municipalités capables de faire office d’observateurs citoyens gardant un œil sur le fonctionnement des affaires municipales. Cette expertise et ce partage de connaissances sera essentiel à la réorganisation de la décentralisation d’une manière qui implique davantage l’acceptation et la sensibilisation du public.

Conclusion

Il ne fait pas de doute que les défis de la Tunisie exigent des solutions politiques et économiques soigneusement élaborées. Les politiques qui ont tendance à isoler les solutions économiques des tensions politiques peuvent sembler attrayantes mais ces domaines sont inextricablement liés. La prise en charge du mécontentement politique est un élément-clé de la réussite de la réforme économique sur le long terme.

Les mécanismes qui partent du haut pour aller vers le bas conçus pour mieux faciliter l’intégration de la Tunisie dans l’économie de marché mondiale - pour l’essentiel des ensembles de réformes négociées entre le gouvernement tunisien et ses partenaires internationaux - exigent un travail en parallèle sur les défis plus larges du bas vers le haut plus relatifs à la participation et à l’autonomisation des citoyens. C’est précisément dans cet esprit que s’inscrit l’adoption par le Parlement européen en septembre 2016 d’une résolution demandant aux négociateurs chargés d’un nouvel accord de libre-échange avec la Tunisie de prendre en compte « l’environnement, la protection des consommateurs et les droits des travailleurs » et de s’assurer que « cet accord soit mutuellement bénéfique tout en tenant compte comme il se doit des disparités économiques importantes entre les deux parties » et tout en impliquant de manière active les acteurs de la société civile dans un processus plus ouvert et transparent.76

Tunisie 2020, la conférence sur l’investissement qui se tiendra à Tunis les 29 et 30 novembre 2016, arrive à point nommé pour permettre aux partenaires internationaux de réaffirmer à la Tunisie leur soutien en prenant en compte les besoins en financement des projets de développement qui sous-tendront l’avenir politique et économique du pays.

Tunisie 2020 peut également offrir une chance aux nouveaux entrepreneurs tunisiens d’évaluer les besoins en développement du pays. Les obstacles à leur entrée sur le marché, à savoir le népotisme, la corruption, des régimes douaniers et fiscaux non réformés, restent considérables mais les efforts du gouvernement en matière de libéralisation de l’économie peuvent motiver le soutien public envers la démocratisation de l’accès au marché. Entretemps, les sociétés établies auront la possibilité d’investir dans les projets de développement public. Ces projets sont susceptibles d’être moins lucratifs que les investissements actuels des conglomérats tunisiens mais des partenariats public/privé combinés à des retours symboliques de l’investissement dans les collectivités locales pourraient présenter un débouché permettant au secteur privé de contribuer au bien commun.

Les investissements en Tunisie sont nécessaires aujourd’hui encore plus que jamais auparavant ; toutefois, compte tenu de l’ordre politique fragile, le type d’investissement est tout aussi important pour la réussite que l’investissement en lui-même.

En même temps, ces investissements ne peuvent permettre la construction de quelque chose de concret que si les parties prenantes tunisiennes (gouvernement, parlement, sociétés, syndicats et organisations de la société civile) s’engagent envers la transparence, le suivi des processus de financement et de passation de marché, l’évitement des conflits d’intérêt et la pérennité de la sensibilisation du public et de sa participation au processus de prise de décisions. Les investissements en Tunisie sont nécessaires aujourd’hui encore plus que jamais auparavant ; toutefois, compte tenu de l’ordre politique fragile, le type d’investissement est tout aussi important pour la réussite que l’investissement en lui-même.

Pour les partenaires internationaux de la Tunisie, il s’agit d’un moment charnière où ils pourront réaffirmer leur soutien fort au gouvernement et à la société du pays tout entière sur la voie difficile des réformes. Ce n’est pas une mince affaire mais la Tunisie dispose d’un atout unique hérité de sa révolution, à savoir la capacité de sa société à forger un consensus et des compromis. Cela est plus essentiel et urgent que jamais auparavant.

Notes:

1 Cf. Jocelyne Dakhlia, trad. Muriam Haleh Davis, « Can We Think in Transition? Reflections from Tunisia » (Pouvons-nous réfléchir en transition ? Réflexions de Tunisie), Jadaliyya, 30 juin 2016, http://www.jadaliyya.com/pages/index/24697/can-we-think-in-transition-reflections-from-tunisi.

2 Nadia Marzouki, « Tunisia’s Rotten Compromise » (Le Compromis pourri de la Tunisie), MER Online (blog), Middle East Research and Information Project, 10 juillet 2015, http://www.merip.org/mero/mero071015.

3 Cf. Mischa Benoit-Lavelle, « The Future of Tunisian Democracy » (L’Avenir de la démocratie tunisienne), New Yorker, 1er novembre 2014, http://www.newyorker.com/news/news-desk/future-tunisian-democracy ; et Monica Marks, « Tunisia’s Ennahda, Rethinking Islamism in the Context of ISIS and the Egyptian Coup » (Ennahda de Tunisie, repenser l’islamisme dans le contexte de DAESH et du coup d’État en Egypte), Project on U.S. Relations with the Islamic World, Brookings Institution, août 2015, https://www.brookings.edu/wp-content/uploads/2016/07/Tunisia_Marks-FINALE.pdf.

4. Cette forme de consensus correspond à ce que Nadia Marzouki identifie dans « Le Compromis pourri de la Tunisie » comme le « compromis pourri », sorte de « compromis forcé » réalisé par Ennahdha par crainte d’être éliminé par les personnalités de l’ancien régime à un moment où le coup d’État en Egypte et les antécédents de répression sévère ont façonné la forme que le compromis a prise. Nadia Marzouki montre le contraste entre cela et le type de compromis caractéristique de la rédaction de la Constitution tunisienne de 2014. Le compromis pourri comporte des risques graves pour l’avenir de la politique démocratique, selon Nadia Marzouki.

5 Cf. Laryssa Chomiak, « The Revolution in Tunisia Continues » (La Révolution se poursuit en Tunisie), Middle East Institute, 22 septembre 2016, http://www.mei.edu/content/map/revolution-in-tunisia-continues.

6 Maha Yahya, « Tunisia’s Challenged Democracy » (La Démocratie tunisienne au défi), Carnegie Middle East Center, septembre 2016, http://carnegie-mec.org/2016/03/31/tunisia-s-challenged-democracy-pub-64734.

7 Marwan Muasher, Marc Pierini et Alexander Djerassi, « Entre dangers et promesses : un nouveau Partenariat-cadre avec la Tunisie », Carnegie Endowment for International Peace, 14 avril 2016, http://carnegie-mec.org/2016/05/13/fr-pub-63577

8 Structure confirmée par les représentants officiels de l’Union européenne et un fonctionnaire de haut rang du Ministère du Développement, de l’investissement et de la coopération internationale.

9 Muasher et al. « Entre promesses et dangers ».

10 Hernando De Soto, « The Facts Are In: The Arab Spring Is a Massive Economic Revolution » (Les faits sont là : le printemps arabe est une révolution économique massive), (Tunis : Cérès Éditions, 2013), https://www.ild.org.pe/images/our_work/property_paradigm/arab_spring/yellowBook_en.pdf.

11 Cf. Secrétaire d’État américain John Kerry, « Remarques avec le Président Béji Caïd Essebsi avant leur rencontre » (Waldorf Astoria, New York City, 19 septembre 2016), https://www.state.gov/secretary/remarks/2016/09/262095.htm.

12 Discussions privées avec des représentants officiels tunisiens et des sources non tunisiennes, Washington, 6 et 7 octobre 2016.

13 « Tunisie : Augmentation des salaires dans le secteur public, accord signé ! », Webdo, 22 septembre 2015, http://www.webdo.tn/2015/09/22/tunisie-augmentation-des-salaires-dans-le-secteur-public-accord-signe/.

14 « Tunisian Protesters Oppose Austerity Measures » (Des manifestants tunisiens s’opposent aux mesures d’austérité), Middle East Monitor, 17 octobre 2016, https://www.middleeastmonitor.com/20161017-tunisian-protesters-oppose-austerity-measures/.

15 « Program Note: Tunisia » (Note de programme : Tunisie), Fonds monétaire international, dernière mise à jour le 1er août 2016, https://www.imf.org/external/np/country/notes/tunisia.htm.

16 Cf. Marsad Budget pour un graphique animé interactif du budget annuel en ligne couvrant les années 2012-2016, http://budget.marsad.tn/fr/.

17 Fadhel Abdelkefi, entretien avec Mariam Belkadhi, Tunis 24-7, El Hiwar Ettounsi, 26 septembre 2016, https://www.youtube.com/watch?v=ShuXbGF_PjQ. Lors de cet entretien, Fadhel Abdelkefi a indiqué : « Les négociations avec le FMI sont difficiles et elles nous indiquent ce qu’il va se passer avec les autres organisations telles que [la Banque mondiale] ou [la Banque européenne d’investissement] et la [Banque africaine de développement], elles voient le FMI comme un référence, si [le] FMI octroie des fonds à la Tunisie les autres le feront aussi ».

18 Yahya, « La démocratie tunisienne au défi ».

19 Abdelkefi, interrogé par Belkadhi.

20 Anne Brockmeyer, Maha Khatrouch et Gaël Raballand, « Public Sector Size and Performance Management: A Case-Study of Post-Revolution Tunisia » (Taille du secteur public et gestion de la performance : étude de cas de la Tunisie d’après la révolution), Groupe de la Banque mondiale, Pôle de pratique mondiale sur la gouvernance, Policy Working Research Paper no. 7159, janvier 2015, http://documents.worldbank.org/curated/en/574821468166165145/pdf/WPS7159.pdf.

21 « Figure 1.3 », dans The Unfinished Revolution: Bringing Opportunity, Good Jobs and Greater Wealth to All Tunisians » [La Révolution inachevée : Créer des opportunités, des emplois de qualité et de la richesse pour tous les Tunisiens], Washington, DC : Banque mondiale, 2014), 38.

22 Abdelkefi, interrogé par Belkadhi.

23 Cf. Habib Ayeb et Ray Bush, « Small Farmer Uprisings and Rural Neglect in Egypt and Tunisia » (Soulèvements des petits exploitants et abandon rural en Egypte et en Tunisie), Middle East Report 272, no. 44 (automne 2014) : http://www.merip.org/mer/mer272/small-farmer-uprisings-rural-neglect-egypt-tunisia.

24 Entretien avec Saida Ounissi, Secrétaire d’État auprès du Ministre de l’Emploi et de la formation professionnelle chargé de l’initiative privée, Tunisie, 19 septembre 2016.

25 Cf. Béatrice Hibou, La Force de l’obéissance : l’économie politique de la répression en Tunisie. (Paris, France : La Découverte, 2006).

26 Entretien privé avec un acteur du secteur privé, Washington, 9 septembre 2016.

27 Citation de Muasher et al. « Entre Promesses et Dangers ». Pour les estimations, cf. le résumé des commentaires de l’UTICA par l’ancien Ministre du Commerce tunisien, Mohsen Hassen, lors d’une conférence intitulée « l’économie informelle : état des lieux et mesures d’urgence » organisée le 3 juin 2016, http://www.utica.org.tn/Fr/actualites_7_9_D1088#.WBtVBzVbP2A.

28 Cf. Karim Trabelssi, « Current State of the Informal Economy in Tunisia as Seen Through Its Stakeholders: Facts and Alternatives » (État actuel de l’économie informelle en Tunisie vue par ses acteurs : faits et alternatives), Solidarity Center et UGTT, 23 juin 2013, http://www.solidaritycenter.org/wp-content/uploads/2014/11/Tunisia.Informal-Economy-Report.UGTT_.2014.ENGLISH.pdf.

29 Entretien avec Saida Ounissi.

30 Le chercheur Mabrouka M’Barek travaille sur une proposition qui s’intéresse à des projets d’emplois en dinars menés par l’État.

31 « Tunisie : le nouveau Code d’investissement à nouveau en discussion à l’ARP », Huffington Post, 22 juin 2016, http://www.huffpostmaghreb.com/2016/06/22/code-dinvestissement-tuni_n_10608362.html.

32 Banque mondiale, The Unfinished Revolution (La Révolution inachevée), 17–18, http://documents.worldbank.org/curated/en/658461468312323813/pdf/861790DPR0P12800Box385314B00PUBLIC0.pdf.

33 Abdelkefi, interrogé par Belkadhi.

34 Entretien avec Yassine Brahim, ancien Ministre du Développement, de l’investissement et de la coopération internationale, Tunisie, 14 septembre 2016.

35 Conseil des affaires étrangères, « Conclusions du Conseil sur la Tunisie », Conseil de l’Union européenne, 17 octobre 2016, http://data.consilium.europa.eu/doc/document/ST-13056-2016-INIT/en/pdf.

36 Agence Tunis Afrique Presse (TAP), « Tunisie : Le plan quinquennal de développement 2016-2020 nécessite 120 milliards de dinars (Ministre) » , Maghreb Emergent, 9 octobre 2016, http://www.maghrebemergent.com/actualite/breves/fil-maghreb/64290-tunisie-le-plan-quinquennal-de-developpement-2016-2020-necessite-120-milliards-de-dinars-ministre.html.

37 Entretien avec Yassine Brahim.

38 Youssef Chahed, « Chef du gouvernement, Youssef Chahed, avec les acteurs économiques nationaux : Investir dans les régions de l’intérieur », Facebook, 10 septembre 2016, https://www.facebook.com/PMTunisie/videos/1489776594371156/.

39 Entretiens privés avec deux responsables du gouvernement tunisien, Tunisie, septembre 2016.

40 Muasher et al. « Entre promesses et dangers ». 2.

41 Chomiak, « Révolution ».

42 Cf. Charles Tripp, « Tunisia’s New Republicanism » (Le Nouveau républicanisme de la Tunisie), Sada (blog), Carnegie Endowment for International Peace, entretien avec Fadil Aliriza,12 avril 2016, http://carnegieendowment.org/sada/63303, cf. également Charles Tripp, « Battlefields of the Republic: The Struggle for Public Space in Tunisia » (Les Champs de bataille de la république : la lutte pour l’espace public en Tunisie), LSE Middle East Center, décembre 2015, http://eprints.lse.ac.uk/64742/1/Tripp_Battlefields%20of%20the%20Republic_2015_author.pdf.

43 Des personnalités de l’UGTT ont fait partie du gouvernement en situation de crise par le passé, l’exemple le plus récent étant le deuxième gouvernement de Mohamed Ghannouchi de janvier 2011 dont la durée de vie fut courte. Cf. « Comment Mohamed Ghannouchi a-t-il pu former le gouvernement de transition 2 », Leaders.tn, 27 janvier 2011, http://www.leaders.com.tn/article/3824-comment-mohamed-ghannouchi-a-t-il-pu-former-le-gouvernement-de-transition-2.

44 Entretien avec Saida Ounissi.

45 Cf. Fadil Aliriza, « Tunisia and ‘the Egyptian Model’ » (La Tunisie et le ‘modèle égyptien’), Tahrir Forum (blog), Cairo Review of Global Affairs,13 août 2013, https://www.thecairoreview.com/tahrir-forum/tunisia-and-the-egyptian-model/.

46 Yahya, « Tunisia’s Challenged Democracy » (La démocratie tunisienne au défi).

47 Ibid.

48 Cf. Henda Chennaoui, « Ridha Yahyaoui : Un stylo m’a tuER [sic] », Nawaat, 22 janvier 2016, https://nawaat.org/portail/2016/01/22/ridha-yahyaoui-un-stylo-ma-tuer/.

49 Cf. Yassine Bellamine, « La feuille de route du prochain gouvernement signée, l’Accord de Carthage acté », Huffington Post, 13 juillet 2016, http://www.huffpostmaghreb.com/2016/07/13/gouvernement-tunisie_n_10961152.html.

50 Pour un exemple de critique, cf. Mabrouka M’Barek, « Essebsi’s Power Grab Imperils Tunisia’s Nascent Democracy » (La saisie du pouvoir par Essebsi met en danger la démocratie naissante en Tunisie), Middle East Institute, 29 août 2016, http://www.mideasti.org/content/article/essebsi-s-power-grab-imperils-tunisia-s-nascent-democracy. Pour un exemple d’allié, cf. Ridha Belhaj, entretien avec Samir el-Wafi, Liman Yajroo Fakat, El Hiwar Ettounsi, 25 septembre 2016, https://www.youtube.com/watch?v=XOYrQqjmJvY.

51 Cf. Fadil Aliriza, « Old Political Habits in Tunisia » (Vieilles habitudes politiques en Tunisie), Sada (blog), Carnegie Endowment for International Peace, 16 juin 2015, http://carnegieendowment.org/sada/?fa=60406.

52 Cf. Midi Show, entretien avec Chaima Bouhlel, Mosaïque FM, 17 août 2016, http://www.mosaiquefm.net/fr/actualite-midi-show/23446/chaima-bouhlel-midi-show-bons-mauvais-eleves-arp.html.

53 Entretien privé, membre élu d’un parti de l’opposition de l’Assemblée des représentants du peuple, Tunisie, 26 septembre 2016.

54 Entretien privé à Washington, 8 septembre 2016.

55 UGTT, « Houcine AlAbassi: al ittihhad al orobbi wa sondouq al naqd al douwali la yataamalan maa touness ala annaha bissadad binaa dimoqratiyya nashia » (Houcine Abassi : l’UE et le FMI travaillent avec la Tunisie comme s’il s’agissait d’une démocratie émergente), Facebook, 3 octobre 2016, https://www.facebook.com/ugtt.page.officielle/posts/1281305401943882.

56 TAP, « Ouverture d’une information judiciaire concernant les déclarations de Samia Abbou », Business News, 28 septembre 2016, http://ns395173.ovh.net/ouverture-dune-information-judiciaire-concernant-les-declarations-de-samia-abbou,520,67293,3.

57 Entretien privé avec un observateur de la société civile, Tunisie, septembre 2016.

58 Abdelkefi, interrogé par Belkadhi.

59 « Youssef Chahed : je déclare la guerre à la corruption », CapFM, 3 août 2016, http://www.capradio.tn/fr/actualite/youssef-chahed-je-declare-la-guerre-a-la-corruption?id=74841.

60 « Loi n° 87-17 du 10 avril 1987, relative à la déclaration sur l’honneur des biens des membres du gouvernement et de certaines catégories d’agents publics (1) », Journal Officiel de La République Tunisienne 130, no. 27 (14 avril 1987) : http://www.legislation.tn/sites/default/files/journal-officiel/1987/1987F/Jo02787.pdf.

61 Entretien privé avec un observateur de la société civile, Tunisie, 23 septembre 2016, entretien privé avec un ancien ministre, octobre 2016.

62 Frida Dahmani, « Tunisie : corruption et népotisme à tous les étages », Jeune Afrique, 5 avril 2016, http://www.jeuneafrique.com/mag/315318/politique/tunisie-corruption-nepotisme-a-etages/.

63 TAP, « Les femmes ont plus de mal à dénoncer la corruption selon Chawki Tabib, l’Association Tunisienne des Femmes Démocrates réagit », Huffington Post, 4 octobre 2016, http://m.huffpost.com/mg/entry/12330886?m=true.

64 Leonce Ndikumana et James K. Boyce, « Capital Flight from North African Countries » (Fuite de capitaux à partir des pays d’Afrique du Nord », Political Economy Research Institute, University of Massachusetts Amherst, octobre 2012, https://www.yumpu.com/en/document/view/25236485/capital-flight-from-north-african-countries-political-economy-.

65 Sami Dabbegh, « Illicit Financial Flows, Corruption, and Sustainable Economic Development in Tunisia » (Flux financiers illicites, corruption et développement économique durable en Tunisie », Global Financial Integrity (blog), 5 septembre 2016, http://www.gfintegrity.org/illicit-financial-flows-corruption-sustainable-economic-development-tunisia/.

66 Cf. articles 14, 131 et 140 de la Constitution tunisienne.

67 Cf. Fadil Aliriza, « Crisis of Local Governance: Local Edition » (Crise de gouvernance locale : édition locale), Foreign Policy, 9 août 2016, http://foreignpolicy.com/2016/08/09/crisis-of-governance-local-edition/.

68 « Carter Center Calls for Improvements in Electoral Legislation, and for Municipal and Regional Elections » (Le Centre Carter lance un appel pour une amélioration de la législation électorale et pour des élections municipales et régionales), communiqué de presse, Carter Center, 28 septembre 2016, https://www.cartercenter.org/news/pr/tunisia-092816.html.

69 Certains observateurs indiquent que cet ordre législatif est l’inverse de ce qu’il devrait être et que la loi sur la décentralisation, qui détermine les rôles des représentants des autorités locales, doit être traitée avant la loi sur les élections, toutefois, cet ordre a été choisi pour qu’une date soit inscrite au calendrier pour les élections.

70 « Carter Center Calls for Improvements » (Le Centre Carter lance un appel pour des améliorations.

71 Entretiens privés avec plusieurs représentants des pouvoirs publics tunisiens, acteurs de la société civile et un député, Tunisie et Washington, septembre et octobre 2016.

72 Vanessa Szakal, « In Jemna, locals manage oases to reap the fruits of their labor » (À Jemna, les habitants gèrent des oasis pour récolter les fruits de leur labeur », Nawaat, 11 juillet 2015, https://nawaat.org/portail/2015/07/11/in-jemna-locals-manage-oases-to-reap-the-fruits-of-their-labor/.

73 Inel Tarfa, « Government Brands Kebili Communal Harvest Illegal » (Le gouvernement juge les cultures communales de Kébili illégale), Tunisia Live, 10 octobre 2016, http://www.tunisia-live.net/2016/10/10/government-brands-kebili-communal-harvest-illegal/.

74 PAS DE TITRE DISPONIBLE. Communiqué de presse, Ministère tunisien des Domaines de l’État et des affaires foncières, 10 octobre 2016, http://www.mdeaf.gov.tn/index.php/ar/2014-03-28-14-09-55/1292-2016-10-10-13-25-40.

75 Vanessa Szakal, « In Jemna, a Social Experiment Against State Policies » (À Jemna, une expérience sociale contre les politiques de l’État), Nawaat, 27 septembre 2016, https://nawaat.org/portail/2016/09/27/in-jemna-a-social-experiment-against-state-policies/.

76 Parlement européen, « EU Relations With Tunisia in the Current Regional Context » (Relations entre l’UE et la Tunisie dans le contexte régional actuel), 14 septembre 2016, https://polcms.secure.europarl.europa.eu/cmsdata/upload/9826b454-6e1a-4638-a3ca-79554e3af830/P8_TA-PROV(2016)0345_EN.pdf.

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